Les Chroniques de l'Imaginaire

Macha ou le IVe Reich - Melnik, Jaroslav

Nous sommes en 3896, si l'on en croit les dates présentes sur les coupures de presse locales. L'Humanité n'est pas tout à fait comme celle que l'on connaît aujourd'hui, puisqu'elle est divisée en deux catégories : d'un côté, les êtres humains "normaux", qui travaillent, communiquent et prennent du bon temps, et de l'autre les stors, des êtres étranges, dont on ne sait plus trop comment ils sont apparus, même si on est sûrs qu'ils n'existaient pas encore, il y a deux millénaires...

Les stors sont ainsi les êtres à tout faire dans cette société : ils travaillent, dorment dans des granges, le plus souvent nus, font leurs besoins là où ils dorment... Bref, ce sont des êtres dépourvus d'humanité. Et à l'occasion, dès qu'un stor est trop vieux ou malade, ses maîtres n'hésitent pas à l'abattre et à le dépecer, comme n'importe quel animal. Une pratique courante, qui existe depuis des générations, et sur laquelle peu de gens trouvent quelque chose à dire...

Mais les choses sont sur le point de changer, pour un journaliste de La Voix du Reich, un journal qui n'hésite pas à laisser la parole assez libre, même si des contrôles sont aussi de la partie. Dima possède lui-même des stors, au sein de sa petite famille, composée d'Elza, sa femme, et d'Albert, son fils. Des êtres dont il s'éloigne de plus en plus. Et puis, parmi les stors, il y a Macha, une jeune femelle qui a un regard pour le moins troublant. Dima pourrait se perdre dans ce regard, en se disant que Macha ressemble tout de même énormément à une vraie humaine...

Et puis, les choses basculent alors que Dima est appelé en renfort pour abattre et dépecer un stor, chez des voisins. Le journaliste s'exécute, comme d'habitude, mais il est troublé par les cris du stor, juste avant l'acte final. Un cri qui le hante, et qui lui rappelle les mêmes cris des nombreux stors que lui, son père, et son grand-père avant lui, ont tué depuis bien des décennies.

Enfin, il y a ces voix dissidentes d'un organisme tourné pour la vie des stors. Quelques voix qui prétendent que les stors sont les égaux des hommes. Quelques voix qui sèment le doute dans bien des esprits, et qui font réfléchir de plus en plus...

C'est le premier roman de Jaroslav Melnik, un auteur ukrainien, que j'ai l'occasion de parcourir. D'emblée, le livre interroge, interpelle, notamment lorsqu'on a en tête des pseudo-débats télévisés où les défenseurs de la vie animale s'opposent à celles et ceux qui veulent manger de la viande animale à tout prix. Un débat éternel, où il semble bien impossible de mettre des gens d'accord. Mais qui est utile pour installer une réflexion dans bien des têtes...

L'écriture ici est fluide, alternant les passages où on suit Dima et sa fuite avec Macha, et les articles qui paraissent dans La Voix du Reich, ou dans d'autres journaux. Des articles qui donnent de la profondeur à l'univers imaginé par l'auteur.

Macha ou le IVe Reich fait ainsi partie de ces romans qui nous donnent à réfléchir, sur la condition des animaux. L'auteur fait le parallèle avec le nazisme, dans des explications philosophiques qui sont intéressantes, même si je n'y ai pas adhéré. La philosophie est ainsi bien présente dans ce nouveau roman de Jaroslav Melnik, et que l'on adhère ou pas, cela fait un bien fou de réfléchir à cette histoire, au dénouement final étonnant.

J'ai passé un bon moment avec ce thriller d'anticipation, que j'ai franchement parcouru très rapidement, tant l'écriture est fluide.