Rien ne va plus sur l'île de Bretagne depuis le départ des légions romaines. Le roi Constant est mort en laissant trois fils, mais son aîné a été supplanté par le sénéchal Vortigern qui gouverne désormais le peuple breton en bonne entente avec Hengist, l'un des chefs des envahisseurs saisnes qui occupent le nord et l'est de l'île. Les deux autres fils de Constant, Uter et Pandragon, ont été emmenés en exil par un serviteur fidèle. C'est dans l'Orient lointain qu'ils grandissent et découvrent la foi chrétienne, avec entrain pour Pandragon, avec scepticisme pour Uter. Un jour, ils reçoivent une ambassade des barons bretons qui ne supportent plus la tyrannie de Vortigern et offrent la couronne à Pandragon. L'aide de Merlin, prophète et fils de démon, suffira-t-elle aux deux jeunes frères pour recouvrer leur héritage ?
Pour son premier roman, Thomas Spok nous propose une relecture de la légende arthurienne, ou plus précisément, des événements qui la précèdent immédiatement chez les auteurs médiévaux comme Geoffroy de Monmouth. L'action prend place à l'époque de la génération des parents du roi Arthur, dont le père, traditionnellement appelé Uther Pendragon, est ici dupliqué sous la forme de Pandragon, appelé à régner, sage et juste comme un nouveau Salomon, et Uter, fougeux et impulsif, qui cherche un sens à sa vie de frère cadet d'un futur roi. Le récit adopte tour à tour leurs deux points de vue, mais c'est Uter et ses doutes qui se taillent la part du lion, Pandragon restant une figure plus floue et lointaine. Le troisième personnage majeur du roman est Merlin, dont la figure se rapproche davantage du prophète fou des légendes galloises que du sage enchanteur des romans de chevalerie plus tardifs. Lui aussi doute énormément, de par sa double nature et du lien avec les puissances démoniaques qui est à la fois la source de ses pouvoirs et une menace constante.
La plume de Thomas Spok est alerte et lyrique et offre un roman ponctué de poèmes en vers (déclamés par les personnages) ou en prose (pour les visions de Merlin). Le récit tout entier est parcouru d'une tension qui ne se relâche jamais complètement et fait qu'on ne peut s'empêcher de l'engloutir d'une traite. C'est une belle réussite.