Pierre, proche de la quarantaine, ignore comment consoler son fils Tristan de la mort d’une de ses amies. Alors, il décide de puiser dans sa propre expérience et de coucher sur le papier les souvenirs d’un été tragique, celui où il a fait la connaissance du Bonhomme Nuit.
En 1980, Pierre a onze ans et vit avec ses parents et son petit frère Alric dans une commune bretonne en plein boom démographique. Un peu avant les grandes vacances d’été, un nouveau camarade vient justement de s’installer. Maël, le nouveau, a tout d’un leader et fédère autour de lui un petit groupe d’amis auquel appartient Pierre. Ensemble, ils vont faire des ricochets dans l’eau, casser des bouteilles, mener des expéditions en barque. Ensemble, ils vont trouver un premier corps mutilé et être confrontés à des horreurs qui vont bouleverser leur vie d’enfant.
Je suis ta nuit nous plonge dans un univers sombre mais aussi baigné dans la nostalgie de l’enfance. Le roman n’est d’ailleurs pas sans rappeler à certains égards Ça, de Stephen King : le groupe constitué de garçons et d’une seule fille, les longues journées d’escapade, l’horreur venant ruiner les derniers moments d’innocence au seuil de l’adolescence. La comparaison s’arrête cependant là. Raconté du point de vue de Pierre, le récit est à mon sens à la fois mieux écrit et plus bienveillant envers ses protagonistes que l’œuvre de King. Malgré les découvertes macabres et la violence de certaines scènes, le roman parvient à garder une dominante optimiste. La manière dont les enfants vont se serrer les coudes et lutter contre le Bonhomme Nuit y est pour beaucoup, l’envie de Pierre d’aider son fils à surmonter ses propres démons aussi.
En lieu et place des années 1950 aux États-Unis, on est plongé dans les années 1980 en France. Les références à des films ou à des dessins animés sont nombreuses et confèrent une note d’authenticité à l’histoire. Étant plus jeune que le protagoniste, ces éléments n’ont pas du tout marqué mon enfance ; d’autres films ou dessins animés avaient pris le relais, mais j’ai pris plaisir à suivre les échanges enthousiastes des enfants sur Star Wars ou Goldorak. On se promène tellement d’un lieu à un autre, du repère des enfants à la vieille écluse, en passant par le chemin des bois, près de la voie ferrée, qu’on aurait presque l’impression de connaître nous-mêmes la ville et de faire partie du groupe d’enfants.
Le rythme du récit est maîtrisé. On est témoin de l’effondrement progressif de l’univers jusqu'alors relativement protégé de Pierre. Loïc Le Borgne joue habilement avec les codes du genre pour maintenir le suspense jusqu'à la fin. Créature du folklore, meurtrier bien réel, hallucination collective… À peine croit-on comprendre la nature du Bonhomme Nuit que la situation change à nouveau et fait voler en éclat toutes nos hypothèses. On saisit en revanche de mieux en mieux, au fil du récit, ce qui pousse Pierre à raconter son histoire à Tristan.
La couverture réalisée par Cindy Canévet rend bien compte de la teneur du récit en nous donnant à voir différentes incarnations du Bonhomme Nuit.
Je suis ta nuit saura combler les lecteurs à l’affût d’une histoire de surnaturel et de sombres secrets, en particulier ceux nostalgiques de leurs longs étés d’enfance.