Les Chroniques de l'Imaginaire

Le garçon et la ville qui ne souriait plus - Bry, David

Le jeune Romain de Sens a l'impression qu'il serait mieux à sa place parmi les anormaux, les exclus, de la Cour des Miracles que dans sa propre famille, avec un père distant et une mère qui refuse d'entendre ce qu'il aurait à lui dire, mais jusque-là il s'est borné à les observer de loin, sans se faire voir. Mais un soir, il entend une partie de la conversation de son préfet de police de père avec un inconnu, qui lui apprend que la Cour des Miracles doit disparaître : il ne doit plus y avoir en plein Paris un endroit laissé à l'écart des Lois de la Norme.

A ce moment-là, Romain n'a plus le choix : il ressent l'obligation de prévenir les personnes concernées. Avec l'aide de Lion, qu'il avait regardé de loin jusque-là, d'Akou, et de Joséphine, mais aussi de son ami Ambroise, il va tout faire pour empêcher l'annihilation prévue, en courant de grands risques personnels, car s'il connaît les horaires des patrouilles de police, nul ne sait rien des activités des terribles Lames Noires.

L'idée d'un Paris du XIXe siècle alternatif m'a attirée au départ, et le fait est que l'auteur réussit à lui donner une apparence bien construite, avec ces Lois de la Norme excluant tous les "déviants" (handicapés, obèses, homosexuels, etc.) promulguées en 1808, et autour du renforcement desquelles s'organise le roman, qui se déroule cinquante ans plus tard. Cette apparence dont je parlais est renforcée par les têtes de chapitre sous forme de chansons populaires, d'extrait de journaux intimes, de lettre anonyme ou de rapports de police, dont certains ont même droit à leur typographie particulière, ou à l'orthographe fantaisiste qui convient. J'ai aussi bien aimé l'argot de la Cour des Miracles, dont un "dictionnaire" figure à la fin du livre.

Le thème de la découverte de soi par un adolescent à la fois par la confrontation au monde des adultes, et par l'appartenance à un groupe d'ami.e.s qui l'acceptent sans condition, est fréquent à la fois en fantasy, et dans la littérature jeunesse en général. Le message de tolérance, l'ode à la différence, peuvent sans doute plaire au public jeune auquel ce roman semble destiné, avec son action incessante, et ses personnages très majoritairement adolescents. Les retournements et la fin un peu rapides, et le "grand secret" de Romain évident d'emblée pour tout adulte, comme le manque d'information sur l'origine de l'univers décrit, pourront frustrer un lecteur aguerri.