Nous sommes en 1374 et Nicloas Eymerich s'est retiré dans un monastère depuis son retour de Sicile. Oh, l'inquisiteur ne compte certes pas prendre sa retraite, mais il a besoin de calme pour achever la rédaction de son grand manuel de lutte contre l'hérésie, un domaine dans lequel il a désormais une certaine expérience. Mais voilà que le pape Grégoire XI a de nouveau besoin de ses services pour lutter contre le Malin. Cette fois-ci, il s'agit de déjouer les manigances de Francesc Roma, prêtre catalan défroqué et excommunié, proche conseiller du roi Pierre le Cérémonieux. On dit de lui qu'il aurait don d'ubiquité et d'étranges incendies se déclarent partout où il va… Eymerich n'hésite pas. C'est le début d'un nouveau voyage plein de périls entre la Provence et le Piémont sur les traces d'un Roma aussi insaisissable que les lumières inexpliquées qui traversent le ciel du Midi.
L'Évangile selon Eymerich avait tout l'air d'apporter un point final aux aventures du plus irascible des dominicains, mais Valerio Evangelisti n'a visiblement pas pu laisser tranquille son personnage de prédilection. Le revoici, toujours égal à lui-même, narquois et manipulateur, froid et cruel, le gendre idéal. Ce tome renoue avec la structure tripartite des précédents opus, l'enquête d'Eymerich s'entrelaçant avec un deuxième fil narratif situé dans un futur proche et un troisième prenant place dans un futur plus lointain, les chapitres étant agencés de manière à s'éclairer les uns les autres. Le mystère central sur lequel repose toute l'affaire n'a cependant rien de très mystérieux et il devient rapidement clair de quoi il retourne. Les rebondissements proviennent surtout des embûches semées sur le chemin de l'inquisiteur et des différentes manières dont il parvient à les déjouer.
Ce tome 11 m'a beaucoup rappelé les débuts de la série. C'est en grande partie dû au retour dans des lieux déjà fréquentés par Eymerich lors de précédents tomes, mais aussi de personnages qu'on n'avait pas vus depuis longtemps, comme le père Jacinto Corona, le notaire Berjavel ou même le bourreau Gombau, autant d'acolytes qui brillaient par leur absence dans les derniers tomes de la série. C'est agréable de les revoir, même si je ne saisis pas pourquoi Evangelisti a décidé d'opérer une telle réunion de famille ici. On retrouve aussi dans les chapitres du futur Marcus Frullifer, le physicien de génie qui perd tous ses moyens en présence du sexe opposé. Comme Eymerich, Frullifer est égal à lui-même, mais il est nettement plus exaspérant que l'inquisiteur et j'aurais aimé que le personnage évolue un peu par rapport à sa caractérisation dans Picatrix ou La Lumière d'Orion : en l'état, ses chapitres ne sont vraiment là que pour faire le pont entre passé et futur et la tentation de les sauter est forte. Le récit du futur lointain s'inscrit quant à lui directement dans la continuité de L'Évangile selon Eymerich et laissera perplexe qui n'aura pas lu ce livre.
Dans l'ensemble, Eymerich ressuscité est un bon livre. Comme Picatrix, il constitue une sorte de remise à niveau après un tome particulièrement relevé, et comme Picatrix, je dirais qu'il se situe dans la moyenne de la série, autrement dit, que c'est un très bon mélange de roman historique, de science-fiction et d'enquête avec un soupçon d'ésotérisme. Vivement que La Volte traduise le tome 12 !