Les Chroniques de l'Imaginaire

Le jongleur interrompu (Le rêve du démiurge - 2) - Berthelot, Francis

Mathias Kerfriden est l'homme fort de Lesquirec : ce qu'il décide a force de loi, quoi que puisse en dire le maire. Si le cirque Algeiba propose deux représentations, c'est qu'il l'a autorisé. Il ne s'attendait pas à ce que son petit-fils détesté puisse assister à la première, pour de surcroît s'écrouler en pleine crise épileptique au beau milieu du spectacle !

Constantin Serkov a toujours voulu aller sur l'île d'Anaon, qui, dans la légende, est celle où les âmes des morts se réincarnent en oiseaux. Mais maintenant, il y a urgence, car son corps se délite de plus en plus. Malheureusement, il semble qu'elle doive lui rester inaccessible, malgré l'amitié d'Alan ar Muntr, le marin gardien de phare, qui serait d'accord pour l'y amener, si le vent ne retenait tous les bateaux au port.

Ce roman a quelque chose de funambulesque, avec cet effet de balancier qui voit peu à peu sombrer Constantin, quand le jeune Pétrel devient peu à peu Pierre Kerfriden. C'est une histoire de croissance, de révélation d'un possible secret, et de renoncement forcé à la vie et aux rêves. Il s'y trouve néanmoins des personnages lumineux, notamment Lily-Rhum, mais aussi la famille Algeiba.

On retrouve ici l'un des thèmes fréquents de l'auteur, celui de la vérité protéiforme : le fard révèle la vérité des êtres plus qu'il ne la dissimule, ou au moins en révèle-t'il une, qui sans cela serait restée cachée.

Il n'y a qu'un très léger parfum de fantastique dans ce beau récit court, très proche de la littérature blanche, qui décrit de façon à la fois pudique et précise la lente déchéance d'un corps humain en fin de vie. On n'y retrouve aucun des personnages rencontrés dans L'ombre d'un soldat, le premier roman du cycle, et il peut donc se lire indépendamment.