Les Chroniques de l'Imaginaire

Fa(m)ille - Dana, Audrey

Ce roman autobiographique raconte une enfance pas comme les autres dans une famille complètement dysfonctionnelle.

La mère, une belle Américaine qui attire tous les hommes, a déjà une fille et est enceinte jusqu'aux dents lorsqu'elle rencontre le futur père d'Audrey. Un an plus tard, ils se marient, et les deux aînées vont bientôt avoir une autre petite sœur, Audrey. Le père est alors fou d'elle, car c'est sa fille à lui, son amour, son trésor. Mais cela ne l'empêche pas d'être toujours absent. A cause de son travail, à cause de sa passion pour le jeu, ou de sa passion pour les femmes... Mais lorsqu'il revient, c'est la fête dans le cœur de la petite fille qui adore son papa.

La vie avec Maman et les deux grandes sœurs et le petit frère tant attendu, né à peine un an plus tard, est complètement déjantée. Mary ne fait rien, hormis boire, prendre un peu de drogue douce, faire la fête avec des dizaines d'inconnus. Avec son accent américain irrésistible, elle donne des ordres aux enfants qui sont là "pur faire tute ce qu'on leur dit", non ?

Ils finissent par acheter une grande maison dans la Beauce, une véritable ruine, sans eau, sans électricité. Papa continue à travailler et à vivre sur Paris, mais Maman va s'occuper de tout, les travaux, le chantier, vous allez voir, on sera bien ici ! On l'appellera Maryland !

Mais l'argent disparaît vite, les ouvriers ne sont pas honnêtes et volent l'Américaine trop naïve. Les enfants doivent se débrouiller comme ils peuvent. Leur mère finit par s'enfermer dans sa magnifique chambre, la seule pièce réellement terminée, laissant les enfants survivre dans des chambres aux murs qui s'effritent, sans aucun confort. Pendant des mois, il faut aller tirer l'eau au puits pour se laver. L'électricité est régulièrement coupée pour cause de factures non payées. Audrey et ses sœurs doivent alors préparer des repas froids pour tout le monde, s'occuper du linge, de la maison, gérer les fêtes avec des dizaines de personnes qui très souvent viennent squatter la maison.

Mary, complètement hors du temps et de la réalité, joue à la reine de son domaine. Elle n'éprouve aucun amour maternel. Mais cela ne l'empêche pas d'avoir l'idée géniale de devenir famille d'accueil pour des enfants de la DDASS, pour gagner de l'argent. Ils accueillent les cas les plus difficiles, ceux dont on ne sait plus quoi faire. Mary s'en fiche, ce n'est pas elle qui s'en occupe, ce sont ses enfants. Elle, elle trône dans sa chambre et n'en sort que lorsqu'il y a des fêtes à organiser.

C'est dans ce contexte complètement surréaliste que la jeune Audrey vit, survit, portée par l'amour d'un père trop souvent absent, aussi peu responsable que sa femme, mais en adoration devant sa fille, même s'il a depuis eu d'autres filles avec d'autres femmes. Soutenue également par l'amour de ses sœurs et de son frère, elle résiste tant bien que mal, va à l'école, devient une bonne élève car son père lui a promis qu'elle pourra exercer le métier d'actrice si elle obtient le bac, découvre l'amour avec un garçon, découvre également la drogue, à quatorze ans, avec l'autorisation de sa mère, malgré l'interdiction de sa sœur aînée : "Ton petit sœur veut prendre de la drogue, ton petit sœur prend de la drogue ! C'est encore moi la mère, oui ou merde ?".

C'est un roman court, qui se lit vite, plein de vie et de résilience, mais qui laisse tout de même une impression de malaise diffus. Il est difficile de concevoir que ce genre de personnes existe, qu'on leur confie des enfants en perdition.

Malgré tout, l'amour transpire dans toutes les pages du roman, dans tous les mots de l'auteure et c'est un roman agréable à lire.