Alors que le Souverain Nicolaée est mourant, sans que personne puisse déterminer pour quelle raison, les ponts inférieurs sont privés de chauffage, à cause de coupures d'électricité aussi inexplicables que répétées. Même si les Bas-pontien.ne.s du Matilda sont habitué.e.s à vivre à la dure, étant depuis toujours considéré.e.s comme des citoyen.ne.s d'espèce inférieure, leur vie devient de plus en plus difficile, et Aster a du mal à le supporter.
Pourtant, grâce à son lien avec Théo, le Général-Chirurgien, elle est privilégiée, en ce qu'elle est beaucoup plus libre de se déplacer dans le vaisseau que les autres Bas-pontien.ne.s, mais justement elle voit les conséquences du froid sur ses ami.e.s. Il est également clair pour elle que le désordre psychologique qui affecte son amie Giselle n'est que le résultat des multiples traumatismes qu'elle a eu à subir dès sa prime jeunesse.
Elle est bien placée pour savoir que les gardes sont pour la plupart des sadiques qui jouissent d'exercer leur cruauté sur des gens qui ne peuvent se défendre. Et elle sait aussi que si Lieutenant est bien celui qui succède à Nicolaée après sa mort, leurs conditions de vie à tous, et notamment les siennes, vu la haine que Lieutenant lui porte, vont beaucoup empirer.
Ce premier roman est clairement une métaphore de la société où nous vivons, organisée selon une échelle hiérarchisée de façon implicite, les Blancs hétéronormés occupant le sommet, et les personnes de couleur et/ou LGBTQ+ et/ou handicapées étant exclues autant que possible, le tout étant encadré par la Loi et justifié par les croyances religieuses ad hoc. Il en donne une vision à peu près exhaustive, le vaisseau spatial jouant le rôle de cage pour rats de laboratoire. C'est certainement un manifeste politique visant à illustrer la condition de personnes qui, à très juste titre, ne supportent plus le manque de considération qui leur est infligé.
Ce qui me gêne, c'est que je trouve l'aspect littéraire plutôt mal traité. Je ne suis pas du tout arrivée à croire à l'univers élaboré par l'autrice. En effet, la raison pour laquelle Lune a des connaissances assez avancées pour comprendre, à elle toute seule, ce qui arrive au Matilda, et faire le nécessaire, n'est pas évoquée. De la même façon, des scènes de violence n'ont pas de suite : Aster injecte un soporifique à quelqu'un qui a vu son visage, mais aucune plainte ne semble déposée contre elle ; sa main dont tous les os ont été cassés semble guérir instantanément à peine soignée, puisqu'il n'en est fait aucune mention par la suite, etc.
Par ailleurs, en français du moins, à part dans un chapitre particulier, rien n'a été fait pour marquer l'ambiguïté sexuelle, tout est écrit de façon classiquement binaire. J'imagine que cela n'est pas le cas en anglais, mais je ne peux le dire avec certitude, n'ayant pas lu la version originale.
En somme, ce roman plaira sans doute aux lecteurs et lectrices à la recherche d'un roman militant dans le domaine du queer, mais pourrait laisser sur leur faim les amateurs et amatrices de space opera.