Anaïs Nin est une jeune artiste, qui n'a pour le moment pas encore publié de livres, mais qui écume les soirées mondaines avec son banquier de mari. Anaïs vit assez mal la situation : Hugo est un artiste comme elle, mais il est vrai que son salaire de banquier est indispensable pour les faire vivre, d'autant que la mère d'Anaïs vit sous le même toit parisien...
Alors, Anaïs fait contre mauvaise fortune bon cœur, et elle soutient son mari, dans une carrière qui va tuer son côté artistique, à petit feu. Mais Anaïs a bien quelqu'un à qui elle peut se confier : depuis toute petite, elle tient des carnets intimes, et elle en a maintenant tout un tiroir. Des anecdotes, des histoires, des joies et des peines : un vrai matériel littéraire, mais qu'elle ne sait pas comment rendre publiable. Sans compter que nombre de secrets, très intimes, y sont présents...
Mais les secrets intimes d'Anaïs ne sont pas encore inavouables, elle qui est fidèle à son mari, qui est aussi son premier amant. Une situation compliquée à gérer, pour une femme à la sensualité certes cachée, mais bel et bien présente. Une sensualité qui est à fleur de peau, avec la danse et les origines cubaines d'Anaïs, et surtout avec la rencontre d'Henry, un artiste qui vit à New-York, et qui vient bientôt s'installer à Paris, lui aussi...
Et que dire de June, la femme d'Henry ? La plus belle femme qu'Anaïs ait jamais rencontrée. Un véritable coup de foudre, qui va conduire les deux jeunes femmes à se rencontrer de nouveau, mais cette fois seules. Et c'est bientôt un nouveau déchirement, lorsque June repart pour New-York, laissant un mari et une amante bien seuls...
Attention : chef d'oeuvre ici, avec ce nouveau livre de Léonie Bischoff, qui paraît chez Casterman ! Anaïs Nin est un livre remarquable déjà sur la forme : on a droit à une couverture souple du plus bel effet, avec des dessins faits aux crayons, que l'on retrouve dans l'ensemble des près de deux-cents planches qui composent ce one-shot.
Léonie Bischoff s'intéresse à la vie d'Anaïs Nin, qui a bien existé, et elle nous présente une jeune fille jolie, très prude et très fidèle, et qui va se transformer peu à peu, sous l'impulsion d'un double symbolisé par ce carnet, qui serait presque le personnage principal de cette histoire, après Anaïs elle-même, bien entendu. Le personnage est complexe, et on l'accompagne dans cette transformation avec beaucoup d'intérêt, sans jamais tomber dans le voyeurisme de bas étage.
En cela, les dessins de Léonie Bischoff sont une sacrée réussite dans cet album : les crayonnés sont de toute beauté, et les couleurs, tour à tour chatoyantes, froides, et parfois absentes, achèvent de rendre la moindre case tout simplement parfaite. Les personnages sont crédibles, notamment les différents hommes qui composent les différentes rencontres, souvent fortuites, d'Anaïs Nin.
Casterman édite là un one-shot qui comptera, sans aucun doute, dans la carrière de Léonie Bischoff : à découvrir de toute urgence, tant cette histoire est intelligente sur le fond, et magnifique dans sa forme.