Yorenn et Romain Algeiba s'aiment trop pour un frère et une sœur, et cela les détruit peu à peu, d'autant qu'ils ne peuvent vivre l'un sans l'autre. Il le faudra bien, pourtant, au moins pour Yorenn, après la mort par overdose de Romain. Pour ce dernier, il se retrouve prisonnier, membre malgré lui d'une étrange confrérie de fantômes miniaturisés. C'est qu'une sorte de savant fou, le Dr Theo Malejour, a inventé un moyen de piéger et réduire les âmes des morts. Mais si son objectif est de les étudier, son assistant, et bientôt successeur, Alvar Cuervos, a d'autres projets.
Puisqu'un bon nombre de ses petits prisonniers ont été des artistes, il a l'idée de monter un spectacle original. Mais d'abord, il faut les convaincre, de gré ou de force. Or, qu'il soit le fils de Bran Hadès n'est pas vraiment un point positif pour eux. Il trouvera cependant un moyen, mauvais sang ne saurait mentir. Et Sendra a beau faire, elle qui est restée libre, elle n'arrive pas à convaincre Yorenn de la noirceur des plans de son amant, dont elle est tombée follement amoureuse.
Même si l'action semble suivre immédiatement Hadès Palace, on apprend en cours de lecture que huit ans se sont écoulés depuis les faits qui y étaient relatés. Il n'empêche qu'il s'agit ici d'une suite directe, puisqu'Alvar ne se remet pas d'être arrivé trop tard, au moment de la destruction du Palace, pour rencontrer son père. Les autres personnages, vivants ou morts, qui y étaient mêlés, n'en ont rien oublié non plus. Pour lire ce roman, il est donc nécessaire d'avoir lu le précédent, comme il est préférable d'avoir lu Le jeu du cormoran, dont on retrouve le héros, voire Nuit de colère, pour savoir d'où vient la petite Aurélie.
L'idée de base de ce roman est merveilleusement fantastique, et la glissade vers le mal d'un homme assez quelconque au départ est mise en scène de façon crédible : contrairement à son géniteur, Alvar reste assez humain pour être attachant, ce qui donne leur crédibilité aux sentiments de Yorenn pour lui. La communication entre les vivants et les morts, et la façon dont ceux-ci peuvent avoir des sentiments mêlés à propos de leur état présent comparé à l'antérieur, sont présentées de façon touchante.
Sur un mode plus anecdotique, j'ai apprécié de retrouver dans ce roman, sur son versant sombre, le petit bulot thérapeutique de Rivage des intouchables. En tout cas si l'aspect que je qualifierais de grand-guignol du roman précédent m'avait gênée, il n'y a rien de tel ici, où l'on retrouve la finesse coutumière de l'auteur, alliée à sa constante originalité. Un roman que, pour le coup, je recommande sans aucune réserve !