Catastrophe au Collège des femmes d'Ulthar ! Clarie Jurat, aussi brillante élève que jolie jeune femme, s'est entichée d'un certain Stephan et a pris la poudre d'escampette avec lui. Le souci, c'est que ce joli cœur n'est pas un habitant des Contrées du rêve. C'est un homme du monde de l'éveil, et qui sait ce qui se passera si Clarie essaie de l'accompagner de l'autre côté ? Il faut la ramener, ça ne fait pas un pli. Il en va de sa sécurité, mais aussi de la survie du Collège, car le père de Clarie aurait le pouvoir de faire fermer cette unique exemple d'université féminine à Ulthar. C'est sa prof de maths, Vellitt Boe, qui va s'y coller. Elle a l'avantage de l'expérience : dans sa jeunesse, elle a parcouru de long en large les Contrées du rêve avant de se ranger. Il est temps de ressortir son vieux sac à dos, ses accessoires de voyage et sa hachette, car c'est un sacré périple qui l'attend.
Dès son titre, La Quête onirique de Vellitt Boe se présente ouvertement dans la continuité de La Quête onirique de Kadath l'inconnue de H.P. Lovecraft. Ce roman de l'Américaine Kij Johnson prend place dans l'univers des Contrées du rêve imaginé par le reclus de Providence, un monde fabuleux auxquels peuvent accéder les hommes lorsqu'ils s'endorment. Les hommes… et les femmes, bien entendu ! Johnson ne manque pas en effet de remettre en question les aspects les plus dépassés de la pensée de Lovecraft en faisant la part belle aux femmes dans son récit, en particulier avec une héroïne au caractère bien trempé, qui porte un regard bien à elle sur le monde. Vellitt Boe a également dépassé la cinquantaine, ce qui fait d'elle une protagoniste d'autant plus originale.
Pour le reste, en revanche, l'originalité n'est pas vraiment au rendez-vous. Le bestiaire et la géographie des Contrées du rêve sont repris tels quels, sans ajout ni modification en profondeur : les goules restent les goules, les chats restent les chats, et ainsi de suite. C'est compréhensible, mais un peu dommage également. Bon nombre des péripéties du voyage de Vellitt sont aussi des échos plus ou moins directs des déboires du Randolph Carter de Lovecraft, à l'exception des dernières pages, un dénouement assez inattendu qui m'a laissé perplexe. Néanmoins, ces péripéties sont très agréables à suivre, le style de Johnson est bien plus digeste que celui de son modèle et elle a le bon sens d'inclure des dialogues fréquents qui donnent davantage vie à ses personnages et des coupures de chapitre qui permettent au texte de respirer (ça semble être le B.A.-BA, mais souvenez-vous que Kadath n'a rien de tout ça).
Somme toute, La Quête onirique de Vellitt Boe est un roman sympathique, même s'il n'a pas vraiment de quoi rester dans les mémoires une fois lu. Ce n'est pas indispensable d'avoir lu le livre de Lovecraft pour l'essayer, mais ça rendra sa lecture d'autant plus plaisante.