Les dystopies du numérique est un ouvrage réalisé dans le cadre de l’exposition de « Mondes (im)parfaits. Autour des Cités obscures de Schuiten et Peeters », ayant eu lieu du 17 novembre 2019 au 25 octobre 2020 à Yverdon-les-Bains, en Suisse. Ce recueil de deux essais peut tout à faire se lire sans s’être rendu à ladite exposition.
Le livre s’ouvre sur une introduction, « Un sourire de photons », écrite par Marc Atallah, directeur de la Maison d’Ailleurs. Ce dernier signe d’ailleurs aussi le premier essai « Raconter l’utopie du numérique ». Il y rappelle la définition de l’utopie pour mieux cerner les contours de la dystopie qui, contrairement aux idées reçues, n’est pas l’inverse de l’utopie mais l’interrogation de ses limites du point de vue de ses résidents. L’idée que « derrière chaque utopie se cache une dystopie » ne m’avait personnellement jamais frappée auparavant mais paraît pourtant extrêmement logique à la suite de la lecture de cet essai. Le texte ne s’arrête pas là mais offre un aperçu des changements de paradigmes sociétaux, et donc des utopies, en lien avec les évolutions technologiques. Marc Atallah choisit la cybernétique pour approfondir l’analyse de cette relation entre l’évolution de la pensée scientifique, les utopies, ici de la communication.
Le second essai, « Le simulacre dystopique », est rédigé par Frédéric Jaccaud, conservateur de la Maison d’Ailleurs. Il rappelle la place du lieu dans l’utopie : de l’île, de la ville… au monde virtuel. Ce monde virtuel est d’ailleurs lui-même défini en raison de la pluralité de ses interprétations possibles. Son lien avec le monde physique est également abordé. Il conclut sur l’impact de l’utopie cyberpunk dans la pensée et les récits contemporains... et inversement.
Cet ouvrage, érudit, parlera davantage aux personnes ayant déjà un certain bagage littéraire : point n’est besoin d’avoir lu l’ensemble des ouvrages mentionnés mais connaître Thomas More, quelques utopies et avoir en tête l’intrigue de quelques ouvrages marquants, comme Fahrenheit 451 de Ray Bradbury ou le Neuromancien de William Gibson, aidera à mieux comprendre les différents points soulevés par les auteurs. En outre, ce sont bel et bien des essais de recherche. Le vocabulaire employé est précis et conceptuel. Malgré mon niveau de diplôme fort convenable, quelques termes me seraient restés obscurs sans l’usage d’un dictionnaire.
On aurait tort de s’arrêter pour si peu car les idées avancées par les deux auteurs sont absolument passionnantes pour qui s’intéresse un peu au sujet. La multitude de références citées dans le cadre de ces essais donne de plus envie de se plonger dans la lecture des livres ou dans le visionnage des films mobilisés pour l’analyse.
Les images en couleur sont omniprésentes dans l’ouvrage - elles comptent presque pour la moitié des pages. Il s’agit d’affiches ou de scènes de films mais aussi, la plupart du temps, de reproductions des couvertures des livres mentionnés. Le papier lui-même est de très bonne qualité. On prend donc plaisir à parcourir le livre.
Pour conclure, Les dystopies du numérique plaira aux amateurs de SF ou d’utopies, souhaitant prendre de la hauteur par rapport à leurs lectures et, pourquoi pas, piocher des idées d’ouvrages ou de films à découvrir prochainement.