Les Chroniques de l'Imaginaire

Vigilance - Bennett, Robert Jackson

Vigilance, c’est le nom d’une émission de télé réalité ultra trash de la chaîne ONT dans un futur où les USA sont devenus un pays en perdition. L’une des particularités de Vigilance, c’est que l’émission n’est pas au programme de la grille horaire. Comme il n’y a pas de créneau horaire défini ou même de date annoncée à l’avance, impossible pour le public de prévoir la prochaine diffusion en direct où trois candidats soigneusement sélectionnés iront perpétrer un carnage dans un endroit soigneusement choisi par la production et la chaîne de télévision.

Pourquoi le public doit-il être prévenu ? Parce que chacun doit être vigilant. C’est le credo. La vigilance. Parce que chacun peut devenir une cible pour les candidats une fois qu’ils sont lâchés dans un environnement précis. Les règles du jeu sont simples pour les candidats : tuer et survivre le plus longtemps possible. Pour le public avide de sensations fortes : survivre au carnage. Les seuls qui gagnent quelque chose à la fin ? Les producteurs de l’émission.

Dans un futur ultra glauque, où tous les Américains sont cernés de caméras, de drones, d’IA qui permettent de les identifier n’importe où et n’importe quand, et où la manipulation des médias est la chose la plus courante (les images et les sons sont transformés à la volée en fonction des besoins de l’audience), ce roman ultra rapide nous plonge dans une Amérique aux abois, une Amérique entièrement manipulée sans aucune vergogne par ceux qui ont de l’argent, où la haine de l’étranger est l’un des leviers de protection invoqué pour un totalitarisme abusif.

On suit deux personnages durant le récit. L’un des créateurs du jeu, un homme qui veut tout contrôler jusqu’au moindre détail pour faire exploser les plafonds de ses revenus publicitaires - et ce, à n’importe quel prix -, et une simple barmaid, écœurée de tout le cirque qui entoure l’émission et du comportement de ses compatriotes.

Je ne suis pas une adepte de la télévision (je n’ai plus de décodeur télé depuis plus de dix ans je crois) mais les codes utilisés sont tellement poussés et abusés que j’ai eu l’impression parfois de « voir » certaines émissions que j’ai pu subir du coin de l’œil quand je ne suis pas chez moi. J’aurais presque pu m’imaginer les présentateurs survoltés qui prennent l’antenne afin de grappiller le maximum de temps de cerveau disponible des téléspectateurs zombies.

Parce qu’au final c’est cela. Des téléspectateurs prisonniers d’un divertissement de plus en plus trash, le cerveau lavé par la publicité et par ce qu’on veut leur faire croire : les étrangers c’est le mal, les jeunes ne sont bons à rien, il faut se défendre soi-même contre la menace (menace qui n’est jamais réellement précisée, mais qui est cristallisée lors de l’émission autour des candidats prêts à tout dézinguer, et surtout une menace omniprésente, qui peut déclencher des tueries et des catastrophes absolument n’importe quand et n’importe où). Et surtout des téléspectateurs privés d’un libre arbitre tellement la manipulation est omniprésente

Je suis mitigée au sujet de ce roman. Le sujet de la manipulation et de la publicité est poussé au maximum, jusqu’à l’absurde. On voit clairement certaines ficelles scénaristiques et, finalement, il n’y a pas vraiment de réflexion poussée autour du sujet. Mais d'un autre côté je suis restée fascinée par ce monde de faux semblant ainsi que par toutes les manipulations utilisées par ONT.

Je n’ai ressenti aucune empathie ni pour l’homme de télévision, ni pour la barmaid car l’auteur ne nous laisse pas le temps de nous y attacher, trop occupé à nous montrer ce qui se passe autour d’eux. Un peu comme s’ils n’étaient eux aussi que spectateurs et pas réellement acteurs de l’histoire. C’est assez dommage de mon point de vue, mais cela ne m’a pas empêchée de lire le livre jusqu’au bout.