Depuis les centaines de milliers d'années qu'ils voyagent à bord de l'Eriophora, un astéroïde évidé qui contient trente mille êtres humains congelés, et une IA, Chimp, ils n'ont eu aucune nouvelle de la Terre. Ils ont peu de périodes d'éveil, longuement espacées dans le temps, et par petits groupes disparates. Clairement, les concepteurs du Chimp se méfiaient de la possibilité d'une révolte humaine, et ont tout fait pour l'éviter.
Sunday Ahzmundin aurait pu être une rebelle, mais elle s'est attachée au Chimp, et elle trouve la mission importante : la création de portails doit ouvrir la porte des étoiles à ceux qui viendront dans le futur, non ? Mais son amie Lian Wei lui fait remarquer que depuis les centaines de milliers d'années qu'ils voyagent ils n'ont jamais rien rencontré, sauf un démon qui les a attaqués sans hésiter. Ce que Sunday n'apprendra que plus tard, c'est que ce n'est pas le premier, ni pour l'Eriophora, ni pour Lian.
Ceux qui auraient lu la série consacrée aux Rifteurs retrouveront ici certaines des caractéristiques de Starfish, le premier tome : l'isolement d'un petit groupe de personnes dans une "bulle" contre un environnement létal, la méfiance réciproque entre "employés" et "employeurs", et l'importance capitale que peut avoir un seul individu rebelle. Il n'empêche que, bien sûr, les deux histoires, si elles ont des points de contact, ne se recouvrent pas. Celle-ci est racontée du point de vue de Sunday, qui reste longtemps à mi-distance entre Chimp et Lian, entre l'obéissance enthousiaste aux critères de la mission et la volonté de reprendre en main sa vie et son avenir.
Peter Watts marie à merveille les aspects purement Space Opera - les portails, la splendeur de l'univers, les énormes distances spatio-temporelles - et ceux davantage liés à la Hard Science, avec les longues explications sur les variations de gravité au sein de l'Eriophora, ou la croissance des "forêts", par exemple. Et dans les deux aspects, il n'oublie jamais de soigner ses personnages, tous crédibles par leurs multiples aspects et leurs contradictions, et ses atmosphères, dont les variations m'ont paru particulièrement réussies, ce qui ne peut qu'accrocher le/la lecteur/lectrice.
