En 2060, le métier d'historien n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'il pouvait être un demi-siècle plus tôt. Grâce à l'invention du voyage dans le temps, plus besoin de se contenter des témoignages du passé : maintenant, on peut aller assister aux événements en personne. C'est beaucoup plus efficace ! C'est aussi beaucoup plus dangereux, comme le découvrent Merope, Michael et Polly, trois jeunes chercheurs de l'université d'Oxford qui se retrouvent coincés à Londres en 1940, leurs portes de sortie vers le vingt-et-unième siècle refusant obstinément de s'ouvrir sans qu'ils sachent pourquoi. Il va leur falloir déployer des trésors d'astuce pour échapper à tous les dangers qui les guettent, car même s'ils connaissent à l'avance les endroits où vont frapper les bombes allemandes, ce n'est pas pour autant facile de se faire passer pour un Anglais moyen avec un siècle de décalage !
Black-out est la première partie d'un roman en deux tomes, intitulé Blitz dans sa traduction française. C'est précisément ce Blitz qui lui sert de cadre, après quelques chapitres dans l'Oxford du futur pour nous présenter les trois protagonistes. Connie Willis nous plonge avec force détails dans la Londres qui subissait les offensives quotidiennes des bombardiers nazis au début de la Seconde Guerre mondiale. Elle dépeint à merveille l'esprit anglais de cette période, entre détachement et angoisse, résignation et espoir, humain somme toute. Le trio de héros agit à ce titre comme un avatar du lecteur, car même s'ils possèdent du fait de leur cursus de très bonnes connaissances théoriques sur la période, une fois qu'ils se retrouvent plongés dedans, ils se rendent rapidement compte que leur savoir ne va pas suffire à les tirer d'affaire et qu'il leur reste énormément de choses à découvrir. Le risque de changer l'histoire par mégarde constitue un autre péril qui se tapit constamment à l'arrière de leur esprit.
L'intrigue avance à un rythme effréné, l'alternance entre les chapitres centrés sur Merope, Michael et Polly permettant d'entretenir le suspense. Cependant, il m'a semblé que Connie Willis a tendance à abuser du cliffhanger : quand tous les chapitres se terminent sur une situation apparemment critique qui est désamorcée quelques pages plus tard, la technique perd franchement de son efficacité et il m'est arrivé de lever les yeux au ciel vers la fin du livre. Néanmoins, c'est bien le seul défaut que je puisse lui trouver et je l'ai fini sans réel déplaisir.
Si vous cherchez un roman d'aventures efficace prenant place pendant la Seconde Guerre mondiale, avec juste un tout petit peu de science-fiction pour épicer la recette, Black-out est un excellent choix. Je vais lire de ce pas sa suite All Clear, car j'ai hâte de savoir si et comment Merope, Michael et Polly vont s'en sortir.