Depuis la préhistoire, l'homme est un animal qui doit chasser pour trouver sa pitance.
Et si les hommes ont vite été plutôt doués dans ce domaine, ils le doivent à l'observation des loups, et de la façon dont ces derniers attendent patiemment que leur proie soit repue, plus lourde, pour s'attaquer à la plus faible… Et puis, il y a ces rituels, toujours les mêmes, lorsqu'on observe une meute de loups.
D'abord, c'est toujours le mâle alpha qui se nourrit le premier, puis sa femelle favorite. Ensuite, vient le tour des autres loups de la meute, pour ne laisser alors qu'une carcasse aux corbeaux qui achèveront de s'en repaitre. Et à propos de femelle, il peut être imprudent d'aller lorgner auprès du mâle alpha. La sentence peut vite être terrible, et elle consistera à ce que la louve trop impétueuse soit purement et simplement exclue de la meute…
C'est sans doute ainsi que certains animaux isolés se sont rapprochés peu à peu des premiers hommes. La domestication a pu ainsi débuter, et les descendants sont devenus de plus en plus dociles, obéissants. De moins en moins sauvages. Vous l'aurez compris, c'est ainsi que l'Homme s'est vite vu accompagner par les chiens, qui sont des descendants directs des loups…
Et si, comme Ambre, que l'on suit tout au long de ce récit qui a tout du roman graphique, le lecteur est fasciné par les loups, il souffrira, avec elle, non seulement avec son tiraillement entre Louis et Charles, ses deux prétendants, mais aussi parce que le loup, étrangement, est vite devenu l'animal à abattre, au cours de l'Histoire. Notamment lorsque l'homme s'est sédentarisé, et s'est mis à élever du bétail pour sa propre pitance.
Ainsi, les légendes ne manquent pas, pour faire passer ce noble animal pour le pire démon des enfers. Entre les contes pour enfants qui le mettent en scène souvent dans un rôle maléfique, et des légendes comme celle de la Bête du Gévaudan, tous les prétextes ont été bons pour le faire disparaître de nos forêts, jusqu'à sa réintroduction toute récente...
Après Le Fils de l'Ours, c'est au mythe du loup que s'attelle Jean-Claude Servais, dans ce très beau livre qui paraît aux éditions Dupuis, dans la collection Aire Libre. On retrouve bien entendu avec plaisir les dessins réalistes et naturels de Servais, qui retranscrit ici toujours aussi fidèlement la beauté de la nature, ou les silhouettes de nombreux animaux, dont bien entendu le loup, ici magnifiquement représenté.
Ainsi, on suit principalement ici le personnage d'Ambre, à travers une évolution historique de l'Humanité, étroitement en lien avec l'évolution des croyances en ce qui concerne le loup. Un animal qui était majestueux et adoré autrefois, avant que cela ne se gâte pour lui. Ainsi, Servais fait, comme souvent, le choix d'un récit onirique, empreint d'un message écologique fort, derrière des réactions humaines souvent montrées du doigt. L'album ne manque pas de nous faire réfléchir sur notre condition d'humains, prédateurs bien plus dangereux que n'auront jamais été ces animaux qui ne demandent qu'à chasser en meute pour se nourrir, comme n'importe quel prédateur carnivore.
Un livre qui devrait avoir une suite, et qui est à mettre entre toutes les mains, notamment si vous êtes déjà un admirateur du travail de Jean-Claude Servais.