Les Chroniques de l'Imaginaire

Arlette (Deux passantes dans la nuit - 1) - Leconte, Patrice & Tonnerre, Jérôme & Coutelis, Alexandre

Arlette sort de prison en plein hiver. Elle vient de passer trois ans à l'ombre et se retrouve aujourd'hui libre mais dans un Paris occupé par les Allemands.

Elle marche seule avec sa valise, et s'en va retrouver Félix, son homme. Mais chez lui, il n'y a personne et nul ne sait où il se trouve. Ne sachant que faire, elle entre alors dans un cabaret pour se réchauffer et assiste ainsi au numéro d'une mystérieuse magicienne qui l'enthousiasme. Bien décidée à en savoir plus sur les tours de magie, elle va se présenter à Anna, la magicienne, qui se montre froide et distante. Lorsque le patron du cabaret annonce à Anna qu'elle a été dénoncée et qu'il la chasse, celle-ci se dépêche de sortir et embarque avec elle Arlette pour vérifier qu'elle n'est pas suivie par la police. Toutes deux sans domicile, elles partent à la recherche de Félix, qui pourrait les loger et les aider. 

Elles vont ainsi déambuler dans Paris, la nuit, à la recherche d'un abri tout en fuyant le plus possible les ennuis.

La rencontre d'Arlette et Anna, c'est un peu la rencontre de la glace et du feu. Autant l'une est expansive, flamboyante, insouciante et a beaucoup de bagou, autant l'autre est plus distante, méfiante et cherche à se faire la plus discrète possible. On comprend rapidement, sans que ce soit dit expressément, qu'Anna est juive et étrangère sans papier dans un pays qui fait la chasse aux juifs.

Arlette ne semble pas comprendre la situation, on n'arrive d'ailleurs pas à déterminer si elle est vraiment naïve ou si elle joue un rôle pour que l'on ne se méfie pas d'elle. On a tout de suite de la sympathie pour ce personnage, dont rien ne semble atteindre la bonne humeur, qui a fait de la prison à la place de son homme et qui ne semble pas avoir de rancœur.

Quant à Anna, on comprend que sa froideur apparente est due au fait qu'elle ne doit faire confiance à personne et qu'elle lutte pour survivre dans un Paris occupé par les Allemands. On sent beaucoup de retenue chez elle, elle ne se livre pas facilement même avec Arlette qui est désarmante de candeur.

La différence de caractère entre les deux héroïnes est accentuée par le contraste des couleurs utilisées pour leurs personnages.

Ce qui est intéressant aussi dans cet album, c'est le traitement des couleurs pour le décor, on alterne entre la froideur des extérieurs et la chaleur des intérieurs qui laisse croire à une relative sécurité pour nos deux personnages.

Le fait que l'histoire se déroule pendant une seule nuit permet de rendre plus sombre encore l'atmosphère que seul le personnage d'Arlette permet d'égayer parfois. Les rues sont désertes, les rares personnes croisées sont sur leur garde et sont le plus souvent des profiteurs ou des magouilleurs qui ont prospéré pendant la guerre. Le danger est partout et l'on se demande où est l'espoir pour elles dans cette longue nuit.

L'ambiance lourde, la défiance et la bassesse des gens semblent retranscrire ce qu'à dû être la France pendant l'Occupation.

C'est une belle découverte et une belle BD. Alexandre Coutelis avec ses dessins réalistes et ses couleurs magnifiques arrive à nous plonger parfaitement dans l'ambiance de cette époque. On sent la patte de Patrice Leconte car le scénario qu'il a concocté avec Jérôme Tonnerre me semble parfait pour une adaptation cinématographique.

J'attends donc avec impatience le tome 2 de cette BD afin d'en découvrir un peu plus sur Anna et sur leur périple dans cette nuit qui n'en finit pas.