Les Chroniques de l'Imaginaire

Dans les imaginaires du futur - Kyrou, Ariel

Ariel Kyrou prend quelques tropes fréquents en SF pour étudier d'une part la façon dont ils ont "percolé" dans notre réalité passée et présente, et d'autre part les désirs, rêves ou projets qu'ils pourraient induire. Cette étude porte donc sur la quête de l'ailleurs et la conquête spatiale, l'IA, l'extraterrestre comme figure de l'autre, la recherche de l'immortalité, et sur le genre de l'utopie / dystopie.

L'auteur de ce copieux ouvrage, fort érudit, ne prétend pas être objectif. Et pour cause : sa position de départ est de mettre en relief l'aspect éminemment politique des productions de science-fiction, ou fantastique, et de montrer de quelle façon la société civile pourrait s'en inspirer, voire s'en emparer, pour changer de paradigme socio-politique. Il prend pour exemple autant des oeuvres visuelles - BD, films, séries - que littéraires, que ces dernières soient de fiction ou non.

A l'opposé, j'ai trouvé particulièrement intéressante la façon dont il décrypte la façon dont les projets très actuels de certains milliardaires, comme Elon Musk dans le domaine de l'exploration spatiale, par exemple, vont en fait à rebours de l'esprit des œuvres dont ils disent s'inspirer, ou, dans le cas d'une éventuelle colonisation martienne, sont beaucoup moins crédibles scientifiquement que la trilogie martienne, de Kim Stanley Robinson, alors même que c'est une œuvre de fiction, mais dont l'auteur a fait des recherches approfondies pour l'écrire.

Il montre aussi que si l'aspect réactionnaire du Ravage de Barjavel est assez évident, au moins pour toute lectrice, ce même aspect dans une certaine écologie technophobe doit également être reconnu. Il rappelle que toute technologie est un outil, qui vaut ce pour quoi on le conçoit et on l'utilise : une IA peut servir à la reconnaissance faciale, ou à l'accélération des transactions bancaires, mais aussi (dans Résolution, de Li-Cam) être une oreille attentive et sans jugement.

Ce livre touffu, truffé de notes à lire en fin d'ouvrage, ne se prête pas véritablement à la lecture au format électronique. Ce d'autant moins que le tiret de séparation s'écrit parfois "Ð", qu'un "É" majuscule arrive parfois, souvent après une citation, mais pas toujours, sans que j'aie pu comprendre ce qu'il remplaçait, et que je me suis très vite lassée de devoir systématiquement traduire "Ïuvre" par "oeuvre". D'autre part, la table des matières réduite aux grandes têtes de chapitres, alors que tous se subdivisent en de multiples sous-chapitres, n'aide pas à aller et venir dans l'ouvrage, d'autant que celui-ci, en l'absence de chapitre II, compte deux chapitres III.

En somme, autant je peux en recommander la lecture, autant je ne peux le faire que dans sa version papier, certes plus chère, mais au moins lisible !