Les Chroniques de l'Imaginaire

Corps solitaires (Corps solitaires - 1) - Haruno, Haru

Michi a trente-deux ans. Mariée depuis plusieurs années avec Yô-Chan, elle en est toujours amoureuse mais une chose la perturbe de plus en plus : cela fait deux ans qu’ils n’ont pas eu de relations sexuelles, et la jeune femme en souffre de plus en plus.

Elle tente bien d’aborder le sujet avec son mari, mais il trouve toujours une excuse ou un échappatoire pour ne pas la toucher, même après lui avoir dit qu’il aimerait avoir des enfants. Michi espère en vain, au fil des promesses de son mari, mais s’étiole de plus en plus de ne pas être touchée intimement. Au cours d’une de leurs disputes, son mari lui avoue qu’il en assez qu’elle ne se pomponne pas, ne prenne pas soin d’elle, et reste en pyjama confortable à la maison.

Malgré son chagrin, Michi n’imagine pas aller voir ailleurs. Son amie et collègue Hana, elle, papillonne d’homme en homme et avoue même être attirée par l’un de leurs collègues communs, Niina, plutôt beau garçon. Elle lui avoue aussi que l’infidélité ne la gêne pas du tout, ce qui choque un peu Michi.

Après une nouvelle promesse non tenue de son mari, Michi se retrouve à boire dans un bar avec Niina, et lui confie son désarroi de ne plus avoir de relations intimes avec Yô-Chan. C’est alors que Niina lui aussi lui avoue qu’avec sa femme cela ne se passe pas bien de ce point de vue-là. Elle ne semble plus avoir de désir pour lui, obnubilée par sa carrière professionnelle, et Niina en souffre beaucoup. Michi et Niina ont donc beaucoup plus de points communs qu’ils ne pouvaient l’imaginer…

L’absence de désir au sein d’un couple est une thématique très rarement abordée en manga. Là, elle l’est magistralement, tout en finesse, avec à la fois beaucoup de pudeur et de tristesse.

Michi est profondément amoureuse de son mari et elle ne comprend pas pourquoi il ne veut plus la toucher. On comprend que son mari aussi ne sait pas trop pourquoi il n’a plus envie d’elle, et qu’il ne sait pas comment réagir face à la libido de sa femme. Au lieu de tomber dans le cliché facile de « il a pris une maîtresse, c’est pour cela qu’il n’a plus envie d’elle », l’autrice a décidé d’explorer le thème du manque de désir et de ce que cela engendre au sein d’un couple au fil du temps.

Le manque de désir de Yô-Chan perturbe Michi, qui se remet beaucoup en question. On la sent à la limite de la dépression, surtout quand elle se remémore les premiers temps de leur mariage, où tout allait bien. Hélas, il ne reste que la tendresse et cela ne lui suffit plus. Elle est lasse de la situation et aimerait que les choses changent.

Et c’est la même chose pour Niina, qui aimerait vraiment se rapprocher de sa femme. On connaît plus souvent ce style d’histoire-là, avec un homme plus « demandeur » que sa femme, et là on découvre un homme qui comprend ce que peut ressentir Michi, et qui arrive à s’ouvrir à elle. Il n’y a pas d’apitoiement entre eux, mais la reconnaissance de deux souffrances identiques.

Michi d’un côté, Niina de l’autre, ce sont deux couples miroirs, où l’un des deux souffre du manque de désir de son partenaire, mais pourtant, ils n’ont pas, pour l’instant, l’idée ni l’envie de se rapprocher intimement.

Un manga pour adultes, avec des scènes fortes qui ponctuent l’histoire et mettent en exergue les problèmes du couple Michi/Yô-Chan. On a envie de connaître la suite, et on comprend très bien la souffrance de Michi et Niina sans tomber dans un pathos larmoyant (même si j’ai eu envie de mettre des baffes à Yô-Chan par moment).

Du point de vue illustration, les deux premières qui inaugurent le volume sont très symboliques et parfaitement exécutées. Elles donnent le ton pour l'ensemble du tome. Le trait global est fin, avec une mise en page classique, ce qui fluidifie vraiment la lecture de ce manga psychologique pour adultes.