L'université de Miskatonic lance une grande expédition au Pôle Sud. Une équipe de chercheurs de haute volée embarque sur plusieurs navires en direction de l'Antarctique avec une cargaison de matériel scientifique, d'exploration et de survie.
Si le voyage et les premières missions sur place se passent dans une relative facilité, les scientifiques repèrent des éléments inattendus. L'équipe de forage met au jour des fossiles gelés de créatures inconnues de la science et les reconnaissances poussées annoncent la découverte d'un nouvelle chaîne de montagnes, jamais représentée sur une carte, au profil formé de singulières formes géométriques.
Le sentiment des chercheurs est partagé. Ils sont à la fois ravis de leurs découvertes et de plus en plus embarrassés. Par ces formes de montagnes qui les hantent, par ces créatures qui tirent autant vers le végétal que l'animal…
Les montagnes hallucinées est mon histoire favorite de Lovecraft. C'est son seul texte qui me plonge dans une sorte de transe angoissante au fil de la découverte du rapport d'expédition en Antarctique. Comme souvent chez Lovecraft, Les montagnes hallucinées n'est pas une nouvelle avec des dialogues et des scènes d'action traitées dans le présent des personnages. On connaît le dénouement de l'histoire dès la première page. L'un des scientifiques raconte. Le narrateur rapporte une immersion dans un enfer de glace et de neige.
Cet explorateur nous mène droit au cœur d'une civilisation oubliée, ensevelie, gelée et, pour le malheur de l'homme, seulement endormie. Les pages se tournent et la tension croît. Le texte n'est pas gore. Ce n'est pas un cirque aux jump scares. Lovecraft construit son angoisse phrase après phrase.
Pour le lecteur, ses doigts se crispent autour de cet album, ses poils se dressent, une goutte de sueur roule le long de son dos alors que le chauffage est éteint et que de la condensation sort de sa bouche, au rythme d'une respiration de plus en plus saccadée…
Je ne m'étends pas plus sur ce coup de maître de Lovecraft, présenté ici dans une traduction récente et de qualité. C'est la mise en forme qui compte dans le cas présent. Le récit de Lovecraft est mis en images par François Baranger, écrivain et illustrateur sacrément doué. Les planches de cette bande dessinée ? de ce roman graphique ? de ce beau livre ? sont sublimes de par la qualité technique du travail de Baranger et de par l'intelligence de son choix des illustrations qui supportent magnifiquement l'écrit. Vous passerez autant de temps à faire attention à ne pas louper une ligne de texte lors de votre lecture (les blocs de texte manquent toujours d'aération - sur des grandes feuilles, c'est encore plus gênant que dans un livre de poche) qu'à apprécier la beauté des planches. A couper le souffle ! Et le choix de perdre visuellement les personnages au milieu des environnements hostiles et inconnus est une excellente chose.
Bref, pour sortir de votre confinement et de l'anxiété quotidienne, ces Montagnes hallucinées illustrées avec brio (en deux tomes, le deuxième est sorti en octobre 2020) sont une terrible médecine et un cadeau de bon goût pour les fêtes de fin d'année.
Qui a encore besoin de santé mentale de nos jours ?