Les Chroniques de l'Imaginaire

Histoires insolites - Villiers de l'Isle-Adam

Ce recueil regroupe vingt textes généralement courts, étant donnés qu'ils ont pour la plupart été écrits par l'auteur pour une publication dans le journal Gil Blas, qui exigeait la concision.

Toutefois, leur brièveté tient aussi à leur nature, telles qu'indiquées dans le titre, voulu par l'auteur : ces textes sont destinés à surprendre, éventuellement à laisser en suspens, qui les lit. L'exemple le plus abouti de ce suspens est L'agrément inattendu, qui raconte à la première personne la surprenante aventure d'un voyageur dans une auberge, dont on s'attend au départ à ce qu'elle soit une sorte d'auberge rouge*. Mais on le retrouve aussi dans L'inquiéteur, dont la fin n'éclaircit pas le mystère de savoir si l'épouse défunte était adultère ou non.

Certaines nouvelles m'ont paru avoir perdu de leur charme, par leur aspect "daté", bien que leur côté absurde reste séduisant. Je pense notamment à Le jeu des Grâces, qui voit les couronnes mortuaires inoxydables utilisées d'une façon imprévue, Ce Mahoin ! mettant en scène une exécution capitale, ou L'Etna chez soi, dont les "recettes" pour créer une bombe artisanale sont pratiquement risibles de nos jours. D'autres appartiennent à un monde et un ensemble de références qui ne sont plus les nôtres. Je pense notamment à celles où le catholicisme présent ou passé occupe une place importante, comme Une entrevue à Solesmes, Les amants de Tolède ou La céleste aventure, mais aussi La maison du bonheur, qui s'inscrit dans une société disparue depuis.

Certaines, toutefois, me semblent tout à fait adaptables à notre présent, qu'il s'agisse des dangers encourus par les plagiaires et sycophantes dans Plagiaires de la foudre, la difficulté de certains médecins à accepter une guérison dont ils ne peuvent s'attribuer le crédit, dans L'héroïsme du Dr Hallidonhill, ou la cruauté envers les animaux, dans Aux chrétiens, les lions ! Le cas de Le navigateur sauvage est particulier, en ce qu'il est à la fois daté et toujours actuel, d'une certaine façon, mais je ne veux pas déflorer la chute, à la fois inévitable et inattendue, en en disant davantage.

Ces nouvelles ont une grande unité de ton, donc, et de style. Celui-ci est riche, parfois à la limite de la surcharge, pour un.e lecteur.rice moderne, mais cela fait partie des caractéristiques de l'auteur de L'Eve future. De ce fait, ceux et celles qui le connaîtraient déjà ne seront pas surpris, et les autres pourront le découvrir grâce à des textes courts, surprenants, de surcroît accompagnés d'un appareil critique abondant et de qualité, grâce à Jacques Noiray. Personnellement, j'ai regretté d'avoir lu la préface en premier, ayant trouvé qu'elle gâchait toute la surprise de la "chute" des textes, mais chaque lecteur.rice fera son choix quant à l'ordre de lecture.

* Le fait divers d'où ont été tirés les films de Claude Autant-Lara (1951) et de Gérard Krawczyk (2007) date de 1830, soit avant la naissance de Villiers. Source Wikipedia.