Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Paquebot immobile - Curval, Philippe

Depuis la disparition de Robur, son créateur, et surtout depuis l'arrivée de celui qu'il avait pourtant adoubé, Pairubus, tout va de mal en pis sur le Paquebot, et les Paquiens et Paquiennes semblent incapables de réagir devant la transformation en police des cubanas et autres gonzos, qui jusqu'à présent se rendaient utiles.

La résistance s'organise autour de certains des fondateurs de cette utopie libertaire construite sur l'immense île de déchets située dans le Pacifique Nord, et que Robur a fait classer comme septième continent. L'un de ces personnages croyant toujours en l'idéal d'origine, Gaon Berguer, qui assure la veille météorologique au Sud du continent, est tombé amoureux de la belle Véra, récemment arrivée, amnésique et à bout de force.

Quand Pairubus enlève Véra pour utiliser à ses propres fins le talent singulier qu'elle possède de prédire l'avenir immédiat, Gaon n'hésite pas à abandonner son poste pour tenter de la retrouver, et ce au moment où une tempête s'apprête à frôler le Paquebot. Elle s'avérera même pire que prévu, déchirant le continent en deux : la partie sud, où se trouvent les fondateurs rebelles, ainsi que Gaon Berguer, recèle l'ancien Fort de Robur, où ils trouveront des documents importants ; et la partie nord, où restent Pairubus et Véra, avec le plus grand nombre de gonzos.

L'auteur place d'emblée son roman dans le monde de la fable, ou de la "sotie", comme le dit l'éditeur. Il s'agit, en utilisant un mode de narration, et des personnages, verniens (j'ai cité "Robur", mais on trouvera aussi Aronnax, Servadac, Mrs Branican, etc), d'intéresser le lecteur ou la lectrice aux idées exposées. Il présente donc l'évolution possible d'une utopie : du début où tout le monde s'entend plutôt bien, et se régale à créer son cadre de vie selon ses goûts et ses principes, jusqu'à l'extrêmisation de ces derniers, qui conduit à une atomisation de la population en une galaxie de groupuscules (Végéludes, Athéoristes, voire Piloufaciens, mes préférés !) ingouvernables. Avec cette fable bien plus en lien qu'il n'y paraît avec notre présent, il essaie de montrer combien le recours à la dictature, avec l'espoir de créer un sursaut libérateur dans le peuple, est un remède souvent pire que le mal.

En revanche, le lecteur, la lectrice, qui cherche un roman au sens habituel du terme pourra être déçu.e par la linéarité de l'intrigue, et le peu de consistance des personnages.