Randolph Carter est un rêveur émérite. Il connaît bien les Contrées du rêve, ces endroits étranges où il se rend lorsqu'il s'endort. Mais cette fois-ci, ses songes lui réservent une surprise : la vision d'une cité fantastique, d'une beauté majestueuse et inoubliable. Il n'a qu'une envie, la revoir, ce pour quoi il prie ardemment. Hélas, ses visions disparaissent définitivement après cette prière, comme si les dieux des rêves étaient vexés. Qu'à cela ne tienne : Carter est prêt à tout pour revoir la ville de ses rêves, même à aller plaider sa cause en personne auprès des dieux dans leur citadelle de Kadath, perdue dans le fin fond du grand nord, froid et inhospitalier. Le voyage qui l'attend est long et semé d'embûches, mais il pourra compter sur des alliés précieux, entre les goules du monde souterrain et les chats de la ville d'Ulthar. Il aura bien besoin de leur aide pour déjouer Nyarlathotep, le chaos primordial…
H.P. Lovecraft est surtout connu pour ses nouvelles du mythe de Cthulhu. La Quête onirique de Kadath l'inconnue constitue une double exception : ce n'est pas une nouvelle et elle ne s'inscrit pas dans les histoires des Grands Anciens, même si l'on y retrouve des noms comme Nyarlathotep. Ce court roman appartient au cycle des Contrées du rêve, une série de nouvelles dans lesquelles le reclus de Providence décrit un monde auxquels les hommes peuvent accéder dans leurs songes. On y trouve des villes fantastiques, des paysages fabuleux, des races étranges, bref, c'est davantage de la fantasy que de l'horreur, même si cette dernière reste présente. La Quête onirique de Kadath l'inconnue occupe une place particulière dans ce cyle : en reprenant de nombreux éléments apparus dans les nouvelles précédemment écrites, il apporte à l'ensemble la cohérence indispensable à toute subcréation qui se respecte.
L'intrigue suit le voyage au long cours de Randolph Carter et se compose d'une série de péripéties suivant plus ou moins le même schéma : le rêveur se rend quelque part, il obtient l'information nécessaire à la suite de son parcours, il rencontre un danger mais s'en tire grâce à ses alliés. Cet aspect répétitif aurait de quoi rebuter, mais l'imagination débridée de Lovecraft aide à faire passer la pilule en rendant chaque séquence suffisamment différente de la précédente pour que le récit reste distrayant. Les chats d'Ulthar sont particulièrement amusants et témoignent de l'ailurophilie de leur créateur.
Le défaut le plus sérieux de La Quête onirique de Kadath l'inconnue, c'est sa mise en page. Ce texte est en réalité un premier jet, jamais retravaillé par son auteur, et qui n'a vu le jour que plusieurs années après sa mort. Dommage que son éditeur n'ait pas jugé bon de découper le récit en chapitres ! Dans l'état où Lovecraft l'a laissé, c'est un récit ininterrompu de plus de cent cinquante pages, ce qui rend sa lecture inutilement pénible, surtout quand on ajoute à cela l'absence presque totale de discours direct et le style excessivement chantourné de la narration.
Ainsi, si La Quête onirique de Kadath l'inconnue est sans doute un texte fondamental de l'œuvre de H.P. Lovecraft, ce n'est pas pour autant un livre particulièrement agréable à lire. C'est dommage, car il témoigne de l'imagination féconde de son auteur, mais il montre également qu'un premier jet a souvent besoin de beaucoup de retouches avant d'être publiable.