Les Chroniques de l'Imaginaire

Les ombres de Wild Fell - Rowe, Michael

Jameson Browning est parvenu à un tournant de sa vie. Lui qui ne prend jamais de décision impulsive a acheté Wild Fell, une vaste demeure isolée, sur un coup de tête et compte bien en profiter pour se reconstruire après une série d’événements douloureux. Située sur une île de Devil Lake, au Nord de Toronto, Wild Fell est dans un état de conservation irréprochable malgré ses nombreuses années passées inoccupée et idéale pour réaliser les chambres d’hôtes que Jameson a en tête. Le sombre passé de la bâtisse et de la famille à l’origine de sa construction ne tarde cependant pas à rattraper Jameson, qui va découvrir avoir payé pour bien plus qu’une nouvelle maison.

Pour un livre de maison hantée, Les Ombres de Wild Fell passe fort peu de temps sur les lieux. Après un prologue accrocheur mettant en scène un couple d’adolescents en prise avec les pouvoirs de la demeure, on bifurque en effet vite loin de Wild Fell, vers Ottawa et l’enfance de Jameson. Le narrateur nous présente ainsi ses premières années de jeunesse puis sa vie d’adulte jusqu’à l’achat de la maison. Jameson ne se rend donc à Wild Fell que dans la dernière moitié du roman. Bien que comportant quelques éléments énigmatiques, la première partie du roman souffre d’une description un peu plate d’événements malheureusement fort banals, qui ne sont sans doute pas ceux que recherchent en premier lieu le lecteur de fantastique : le harcèlement scolaire, la cruauté des enfants comme des adultes, les premières amours, le divorce, la maladie, les accidents. 

Heureusement, Hank, meilleur ami garçon, piégé dans le corps d’une fille, de Jameson, est un personnage lumineux, qu’on a plaisir à voir apparaître le temps de quelques scènes.

Dans la seconde partie du roman, on découvre enfin les liens à travers le regard émerveillé de Jameson. Les descriptions de Wild Fell sont soignées, presque poétiques, et contrastent fortement avec le style vif mais un peu terne du reste du récit. C’est sans doute voulu et l’effet est incontestablement réussi : Wild Fell apparaît presque comme un autre monde, suspendu hors du temps et où la magie, impensable dans le monde réel, devient possible. On a aussi droit à quelques phénomènes inexpliqués qui nous laissent espérer une certaine accélération de l’intrigue. C’est effectivement le cas mais pas de la manière que j’aurais trouvé satisfaisante. On a d’abord une scène qui se veut sans doute horrifique mais d’une grande absurdité et vulgarité. Puis, le protagoniste quitte à nouveau la maison pendant presque tout le restant du livre. 

Cette fois, ce n’est plus tant son histoire qui nous est contée que celle de la famille ayant bâti la maison. Malheureusement, celle-ci est assez sordide et peu inspirée. Surtout, on ne comprend pas comment l’un des membres de cette famille parvient à réaliser certaines des actions qui lui sont attribuées ou, pour le dire autrement sans dévoiler l’intrigue, comment le surnaturel fait irruption dans l’histoire de cette famille. Certains raccourcis auraient gagné à être explicités. Il en va de même du dénouement. Si ce dernier se situe bien dans la maison de Wild Fell, il m’a laissée perplexe et j’ai dû le relire à plusieurs reprises pour tenter de le comprendre. 

En conclusion, vous l’aurez compris, Les ombres de Wild Fell comporte des moments de grâce qui ne parviennent pas à compenser un certain manque d’imagination dans un genre maintes fois rebattu. L’ouvrage se destine à mon sens bien davantage aux adeptes de protagonistes tourmentés et d’horreur d’origine humaine qu’à ceux de maisons hantées et de surnaturel. Je suis sûre que ma lecture aurait été moins critique si je l’avais lu dès le départ sous cet angle.