Farouch Queue-d'Aurochs, le disciple de Collembole N'a-qu'un-oeil, fait indubitablement une entrée remarquée à la Crypte-des-Contes, plein de sang qu'il est, avec son poignard à la main. Et après que Lamproie, qui vient de l'accuser de l'avoir blessé, est retrouvé avec le poignard planté dans la poitrine, personne ne doute de la culpabilité du jeune homme. Pour ce meurtre comme pour ceux des deux hommes qui viennent d'être retrouvés égorgés dans le Corridor-Fumeux, une autre grotte à petite distance.
Pour le chamane, toutefois, il est inconcevable que son disciple, qu'il connaît depuis toujours, ait commis ces assassinats d'hommes vigoureux, et qu'il connaissait trop peu pour avoir une raison valable de les tuer. Il trouve également suspect le comportement passif de Farouch, habituellement plus insolent que cela, et la façon même dont tout semble l'accuser, jusqu'à une touffe de poils de sa tunique retrouvée dans la main de l'un des cadavres. Trop, c'est trop !
Cette seconde aventure du chamane-détective de l'Aurignacien et de son apprenti se déroule immédiatement après la précédente, narrée dans Les Souffles ne laissent pas de traces, très peu de temps après leur départ du Jamboree, donc. Toutefois, les deux enquêtes sont totalement indépendantes et il n'est pas nécessaire d'avoir lu la précédente pour apprécier celle-ci. Comme dans le premier opus, le récit de l'enquête est entrecoupé d'épisodes a priori sans rapport, sinon qu'ils sont cette fois clairement situés dans le passé, et ont pour personnage principal le jeune Farouch pas encore Queue-d'Aurochs. Leur lien avec l'intrigue en cours sera révélé au fil du récit.
On retrouve ici le talent de l'auteur pour créer une atmosphère et des personnages. La première évoque souvent, complètement anachroniquement, bien sûr, la peinture de Rembrandt, avec ces contrastes violents entre la lumière et l'obscurité, celle-ci étant liée autant à l'intérieur des grottes qu'aux nombreux épisodes nocturnes. Quant aux personnages, ceux de la massive Libellule et de sa mère, la vénérable Frelon, si bien nommée, sont aussi inoubliables que celui, que l'on retrouve avec plaisir, de la jeune Sphaigne. L'écriture est toujours un plaisir à lire, par sa richesse et sa précision, ainsi que par les différentes "voix" dont Timothée Rey réussit semble-t-il sans effort à doter ses différents personnages. Il y a quelque chose de très oral dans son écriture, et cela convient particulièrement à la culture qu'il décrit, bien sûr.
J'ai trouvé longuette la longue séance d'explications de ce qui s'était passé véritablement, mais c'est la seule chose qui m'ait véritablement gênée dans ce roman plein d'inventions et de rebondissements, où l'on retrouve également les clins d'oeil qui émaillaient le précédent, et qui sont la signature de cet auteur qui ne se prend pas au sérieux. Si vous pouvez mettre la main sur cette seconde aventure du chamane, n'hésitez pas, elle vous offrira un dépaysement bienvenu.