Ce livre rassemble sept textes de l'écrivain romantique allemand E.T.A. Hoffmann (1776-1822). Ils proviennent d'un recueil plus vaste, Fantaisies à la manière de Jacques Callot, publié entre 1814 et 1815, dont l'éditeur français Albert Béguin a choisi d'écarter les essais et dialogues pour ne retenir que les contes. La variété est au rendez-vous, que ce soit pour leur longueur (le premier, Jacques Callot, ne dépasse pas trois pages, alors que le plus long, Le vase d'or, en fait plus de cent vingt) ou l'identité de leur traducteur (au nombre de cinq). Néanmoins, les thèmes communs sont suffisamment forts et nombreux pour conférer une unité à l'ensemble.
Le premier de ces thèmes, c'est la musique et les arts en général, ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait que Hoffmann a également poursuivi une carrière féconde de compositeur et qu'il dessinait en dilettante. Jacques Callot est un bref hommage au dessinateur lorrain du dix-septième siècle ; dans Le chevalier Gluck, le narrateur échange ses goûts musicaux avec un mystérieux inconnu qui pourrait tout aussi bien être un gentilhomme farfelu que le compositeur Christoph Willibald Gluck, même si ce dernier est mort vingt ans auparavant ; Don Juan entremêle avec brio critique musicale et conte fantastique autour du célèbre opéra de Mozart. Ces textes ne sont pas ceux qui m'ont le plus touché, mais ils plairont assurément aux aficionados de la musique du dix-huitième siècle.
Le fantastique constitue un autre trait d'union du recueil. À l'exception des Informations sur les récentes fortunes du chien Berganza, où ce fantastique ne sert que de cadre à un (trop) long dialogue entre un homme et un chien, Hoffmann joue constamment sur l'ambigüité et le décalage pour faire naître le frisson chez son lecteur. C'est un frisson parfois bénin, comme dans Le chevalier Gluck où, en fin de compte, l'identité exacte de l'excentrique compagnon du narrateur importe peu, mais c'est plus souvent un frisson d'effroi glaçant lorsque les protagonistes sont menacés par des puissances qui les dépassent. Ainsi dans Le magnétiseur, dont le personnage éponyme cause la ruine d'une famille bourgeoise ; Le vase d'or, histoire pleine d'allégories ésotériques où un malheureux étudiant se retrouve dans les feux croisés d'un duel d'alchimistes surhumains ; ou enfin Les aventures de la nuit de la Saint-Sylvestre où ce n'est rien moins que le diable qui entre en scène.
À l'exception du Chien Berganza, texte trop long et décousu à mon goût, j'ai beaucoup apprécié la lecture de ces contes. Leur influence sur de nombreux écrivains français du dix-neuvième siècle, de Balzac à Gautier en passant par Mérimée, est aussi perceptible que compréhensible, mais contrairement à d'autres textes précurseurs, ils restent fort plaisants à lire pour eux-mêmes, et pas comme simples curiosités historiques.