Géante Rouge est un fanzine annuel, lié à la revue Galaxies. Ce numéro 28 contient des nouvelles choisies par Lucie Chenu, ainsi que des textes remarqués dans le cadre des prix Alain le Bussy, Pépin et Aristophane 2020.
Les nouvelles :
Les Enfants, de Junko Komatsu
Une hôtelière débordée occupe ses nuits à ramener des pelletées de terre du marigot. Pourquoi, et ce qu'elle en fait après, elle n'en sait trop rien, en fait...
Voici une nouvelle fantastique étrange, pas désagréable mais avec un goût bizarre.
Les petits métiers du futur : le dépanneur d'électro-ménager, de Didier Reboussin
Un dépanneur se rend chez une cliente pour "réparer" sa télé.
Un texte avec beaucoup de bizarreries généralement assez absurdes, très imaginatif mais qui m'a laissée un brin perplexe.
Hyalinebourg, d'Eva D Serves
Dans la ville de verre, une femme ne se sent pas à sa place. Tout est en verre, mais la ville modifie constamment l'opacité des murs, imposant aux habitants de vivre à l'intérieur des limites qu'elle leur impose.
Cette nouvelle m'a évoqué The city & The city de China Miéville, dans sa superposition de plusieurs cadres de vie les uns sur les autres, sans point de connexion (ou plutôt, avec des points de connexion qu'il est interdit d'utiliser). Très sympa, d'autant que la plume est agréable.
Grand Beau Temps sur Teflon 3, de ïan Larue
Des fonctionnaires zélées tentent tant bien que mal d'assurer leur tâche du jour, malgré la chaleur qui augmente de manière invivable.
Petite nouvelle très amusante, où l'on voit l'envers de la bureaucratie.
L'Apocalypse selon Jonathan, de Jean-Michel Calvez
Des fermiers installés sur une autre planète doivent débarrasser leur exploitation des nuisibles.
La présentation annonçait un texte glaçant, et effectivement on finit de lire ce texte au ton très juste avec un pincement au cœur.
La retraite du Capitaine Morgan, de Hugo van Gaert
Après des années de service comme pilote, le Capitaine Morgan ne rêve que de prendre sa retraite dans le coin le plus perdu possible, avec une bonne provision de whisky. Sa compagnie lui fait un cadeau d'adieu inattendu.
On ne voit d'abord pas trop où va cette nouvelle... avant que sa chute ne devienne évidente, ha ha ! Un bon moment de lecture.
Tant qu'il en restera, de Jess Kaan et Antoine Lencou
Ombeline, responsable d'une ONG, tente de convaincre un comité des Nations Unie de la nécessité d'adopter une nouvelle méthode de lutte contre le braconnage lié au commerce d'ivoire. Quinze ans plus tard : Odim est un braconnier, il tue encore et toujours des éléphants...
Ce texte est l'un des plus réalistes de la revue. Notre monde dans ses rouages les plus tristes.
L'envol des cerfs, le chant des cygnes, de Marie-Catherine Daniel
Cela fait déjà plusieurs années que la bombe est tombée sur Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, tuant tous ses habitants. Les radiations continuent à tuer à petit feu tous les Mongols des steppes. Batat sait qu'il va mourir, mais espère avoir le temps de ramener de la capitale les médicaments qui sauveront peut-être ses petits frères. Qu'importe pour lui que la petite chamane Narantuuya croie qu'il est destiné à les sauver...
Ce récit commence de manière aussi déprimante que le précédent, mais finit par une lueur d'espoir bienvenue. Un très beau texte.
La nuit de Noëlle, de Bezuth
Le docteur Noëlle Leblanc conçoit un nouveau produit phare, les I-bots, des intelligences artificielles autonomes. Mais doit-elle leur donner la conscience de soi, sachant qu'ils seront soumis aux humains et donc privés de liberté ?
Jolie réflexion sur l'évolution de l'intelligence artificielle, et ses problèmes éthiques.
Le prix Alain le Bussy 2020 :
Les nouvelles proposées ici ont reçu un premier accessit au prix Alain le Bussy 2020. Ce prix (présidé par Hugo van Gaert), organisé par la revue Galaxies et sa petite sœur Géante Rouge, récompense des nouvelles inédites de science-fiction française.
L'odeur de la poudre, de Jean Paris
Alexandre est un grand amateur d'un environnement de réalité virtuelle particulièrement réaliste. Seules les odeurs et les saveurs n'y sont pas rendues.
La chute est prévisible, mais la nouvelle est bien faite et très agréable à lire.
Le choix des âmes, de Johnny Carpentier
La Terre est surpeuplée. Tous les habitants sont invités à faire un choix : partir dans une colonie lointaine où tout reste à faire ; rester, et participer au tirage au sort qui décidera qui sera sacrifié pour que les autres aient suffisamment de ressources. Dans une même famille, l'Homme a fait un choix pour l'Enfant et lui, la femme a fait un autre choix. Mais existe-t-il un bon choix ?
C'est un texte qui prend aux tripes, beau et triste.
Blague à part, d'Alain Rozenbaum
Quatre Glidouba provenant de la planète Glodibou viennent explorer la planète Galgab, assez semblable à la leur. Tous les organismes pluricellulaires semblent avoir disparu suite à une forte augmentation de la température, liée à une trop forte teneur de l'atmosphère en gaz à effet de serre. Qu'a-t-il bien pu se produire ?
C'est une nouvelle qui joue sur le comique, avec les noms et apparences amusants des extra-terrestres, et la façon dont ils proposent des explications "impossibles". Vraiment sympa.
Le Sang des Robots, de Thomas Prélot
Suite à un incident, un robot nécessite une réparation. Celle-ci s'avère plus compliquée que prévu.
Encore une lecture très chouette, avec de l'inattendu.
Répondez, Eric Zoummer, de Simon Castéran
Un journaliste xénophobe (anti-tout, en fait) cherche à convaincre que les extra-terrestres qui ont instauré la paix mondiale manipulent les Terriens depuis des années dans des buts inavouables.
Ou comment un complotiste peut être pris à son propre jeu. Intéressant mais un peu artificiel.
L'Amour sous les drones, de Gabriel Féraud
Tom, ex-pilote de drone de l'armée, a été réformé. Désormais, les drones sont pilotés par des intelligences artificielles, qui décident des vies des gens.
Cela fait froid dans le dos de réalisme, malgré l'exagération du trait. Un texte plaisant.
Le prix Pépin 2020 :
Le Prix Pépin récompense des "pépins", des micro-nouvelles de moins de trois-cent signes. Je ne connaissais pas, mais j'ai trouvé la quarantaine présentés ici à la fois variés et intéressants. L'art de la chute indispensable pour une nouvelle, poussé à l'extrême.
Dommage par contre que la présentation laisse un peu à désirer, il est difficile de s'y retrouver dans l'enchaînement des textes en vrac avec juste des sauts de ligne pour distinguer les titres ou auteurs.
Le prix Aristophane 2020 :
Le Prix Aristophane (présidé par Ugo Bellagamba) récompense des pièces de théâtre courtes dont le thème se rattache à la SF.
En panne ?, de Marc Lepage
Deux personnes, dans un ascenseur. Celui-ci est une intelligence artificielle et n'accepte de démarrer que si on lui parle poliment.
Un concept simple mais bien traité, pour une lecture qui amène le sourire aux lèvres.
Au théâtre de la technique, de Robert Yessouroun
Une ménagère mécontente tente vainement de faire réparer son robot domestique par le service après-vente.
Du très classique, pour quiconque a déjà eu affaire à un service après-vente non coopératif. Mais le texte marche bien !
Intelligence et bêtise artificielles, de Pierre Benazech
Lucien se présente à l'administration pour une réclamation : il est enregistré comme décédé depuis cinq jours alors qu'il est clairement encore vivant.
J'avoue que cette fois je n'ai rien vu venir, et que j'ai trouvé cette pièce extra.
L'édifiante histoire de Joachim Pouco, de Joseph Holcha
Un homme a reçu un traitement novateur pour guérir son cancer.
C'est probablement le texte auquel j'ai le moins accroché de la revue, peut-être parce que j'ai sauté la moitié du texte qui est en anglais.
Ce qu'ils ignorent, de Louise Roullier
Cinq personnes sont réunies dans une pièce pour une mission cruciale : rédiger les lois-fondations d'une nouvelle colonie planétaire utopiste.
L'idée est intéressante, mais la réalisation un peu longue.
Au final, il y en a donc pour tous les goûts dans ce numéro de Géante Rouge, pour peu que vous aimiez la SF. Et dans l'ensemble, c'est du tout bon, donc pas de raison de se priver.
Par ailleurs, vous trouverez dans la revue les informations de participation aux prix Alain le Bussy, Pépin et Aristophane 2021, si le cœur vous en dit !