Les Chroniques de l'Imaginaire

L'accident de chasse - Carlson, David L. & Blair, Landis

L'histoire démarre à Chicago en 1954. Charlie vient vivre avec son père, Matt, suite au décès de sa mère. Il quitte le doux climat de la Californie pour connaître le froid et la neige de l’Illinois. Il ne connaît que peu son père, avec qui il a toujours gardé le contact bien que ses deux parents ne se parlaient pour ainsi dire plus. Il est content de le retrouver mais est surpris de ses conditions de vie : l’appartement est petit, nu, chaque chose à sa place. A cela, une explication simple : Matt est aveugle. Moins il y a d’objets, moins ils bougent, plus il s’y retrouve.

Matt est un passionné de littérature, et plus particulièrement de philosophie. Il écrit (via un long processus dû à sa condition) et son fils se charge de relire à voix haute pour vérifier le texte. Il rêve d’être publié mais une étagère est consacrée aux lettres de refus des éditeurs (pas de diplôme, pas de publication). Il veille sur Charlie qui tient à ce que son père soit fier de lui ; il se coule dans le moule qu’il lui a préparé. Jusqu’à ce que le moule soit trop étroit pour lui, qu’il épouse mal ses formes, et qu’il éclate.
L’adolescent et l’homme mature s’aiment mais ne se comprennent plus. Matt voit que Charlie suit une mauvaise pente et décide de lui raconter son histoire, la vraie. Pas celle qui raconte qu’il est devenu aveugle à la suite d’un accident de chasse…

Matt a fait un mauvais choix le mauvais jour. Il a participé à un braquage, alors que le patron était dans l’arrière-boutique. Un premier coup de fusil a tué son acolyte ; un deuxième lui a pris ses yeux.

C’est aveugle qu’il est arrivé en prison. Une double peine. On lui a attribué un autre détenu pour s’occuper de lui : le guider pour différentes choses, aller chercher son plateau repas notamment. Cet homme se fichait pas mal de Matt, ce qui l’intéressait c’est le trafic qu’il faisait des éléments de son plateau. Une pomme contre une cigarette par exemple. Finalement, Matt s’est retrouvé en cellule avec Nathan Leopold, la terreur de la prison. Lui et son ami (amant), fils de riches, avaient trucidé un jeune voisin pour le plaisir.
Contre toute attente, Nathan est d’apparence banale, d’un caractère calme et surtout… totalement épris de littérature. Il parle comme dans les livres, réfléchit comme dans les thèses. Il étudie les textes et a ouvert une classe dans la prison pour enseigner. On est très loin de l’image du tueur sanguinaire.

Matt et Nathan vont nouer une relation proche de l’amitié. Mais Matt ne veut plus vivre. Il demande à Nathan de l’aider à mourir. Pourtant, grâce à l’univers littéraire dans lequel il va le faire entrer, Nathan va lui redonner goût à la vie.

Voici un résumé de ce roman graphique de 472 pages, d’une richesse folle en termes de péripéties, de sentiments, de références littéraires, d’angles d’approche (narration simple et allégories). Il n'y a pas de couleur, que du noir et blanc, ce qui est pertinent pour une histoire sombre mettant en scène un aveugle. Il se trouve aussi que Landis Blair de son propre aveu n'est pas à l'aise avec les couleurs. Au final, le duo Carlson / Blair fonctionne à merveille, le dessin et le texte s’unissent dans une harmonie parfaite. 

Cette histoire fascinante vous est ici donnée dans les grandes lignes, il reste encore de nombreux éléments à découvrir.

Le plus surprenant dans cette histoire, c'est qu'elle n'est pas née de l'imagination de David L. Carlson : tout (ou presque) est vrai.
C’est une œuvre impressionnante et marquante en passe de devenir un incontournable de toute bédéthèque.