Les Chroniques de l'Imaginaire

Ion Mud - Bündgen, Amaury

Cyclopéennes. Voilà le meilleur épithète pour qualifier les dimensions de ce vaisseau, à l'ambiance futuriste, sur lequel on fait la connaissance de Lupo, un être humain solitaire, qui parcourt les différents niveaux de ce vaisseau, et ce depuis des décennies. Lupo est maintenant septuagénaire, et il a une obsession : celle de retrouver Poro, qui est un Esperett, une espèce extra-terrestre qui a une forte réputation d'intelligence, ainsi que Jenna, que Lupo considère comme sa fille...

Mais depuis le temps qu'il est seul, Lupo se dit que le salut doit passer par le passage d'une Torana, une porte noire qui se déplace et n'apparaît jamais au même endroit, et à travers laquelle seuls des drones parviennent à passer... Et si les drones sont nombreux dans cet univers, c'est aussi le cas de créatures appelées les Sombres, ou encore les Czarns, qui n'hésiteraient pas à déchiqueter un humain comme Lupo.

Pour autant, d'autres êtres humains sont également embarqués dans ce vaisseau. Plusieurs groupes, même, comme Fass, Sheb et sa sœur, Deeka, qui ont pour chef une étrange créature appelée Ma-Zog. Ou qui se fait appeler comme tel, alors même que le Ma-Zog est plutôt un objet, très recherché, pour un groupe d'humains dirigé par Ramm...

Alors, pour pouvoir enfin passer une Torana, Lupo passe un marché avec Ma-Zog : il va devoir se rendre en zone Noire, un lieu très dangereux où une guerre éternelle oppose les Drones aux Sombres. Sur le champ de bataille, il va falloir dérober un objet très spécial, qui ne pourra se trouver que dans le Drone le plus imposant. Un objet qui devrait permettre à une forme organique de passer, enfin, cette Torana...

Attention, on tient là un livre qui est très abouti, dans un univers assez incroyable. Cela est d'autant rare qu'on tient entre les mains, tout simplement, la première œuvre signée par Amaury Büngen, découvert lors d'un concours de jeunes talents, à Lyon, en 2018. D'emblée, on voit bien que Bündgen est attiré par les mangas, et notamment les œuvres de Tsutomu Niheï, l'auteur de Blame. Les dessins, tous en noir et blanc tout au long des 278 pages qui composent cet album, sont absolument incroyables, de finesse, de détails, de précision.

Ainsi, on se retrouve d'emblée perdus sur ce vaisseau avec Lupo, et on ressent la solitude que lui-même endure depuis des décennies. Pour autant, le personnage est agréable, sympathique. En un mot : attachant. Et c'est ce qui compte lorsqu'on a un personnage qui évolue dans un monde tantôt surprenant, tantôt franchement hostile. Et puis, il y a cet univers, ce vaisseau, immense. Un véritable personnage à part entière, finalement. Les architectures sont recherchées, franchement réussies, et ne sont pas sans rappeler les meilleures planches d'un auteur comme François Schuiten, et ses magnifiques dessins en noir et blanc, sur Les Cités Obscures...

Bref, on est là avec ce qui pourrait s'apparenter à un huis-clos dans un univers fantastique retranscrit bien au-delà des attentes, notamment pour un premier album : à mettre entre toutes les mains, et à lire et relire de toute urgence. Vivement le salon pour la dédicace !