On ne présente plus ce roman de George Orwell, paru au sortir de la deuxième guerre mondiale, devenu un classique qu'on lit et qu'on fait lire tant le propos est édifiant. Cet apologue animalier de 160 pages décrit le processus du totalitarisme en dix chapitres, correspondant chacun à une étape supplémentaire vers la privation des libertés individuelles.
Pourtant, tout commence par un beau rêve. Celui de Maréchal, le vieux cochon de la ferme. Il explique aux autres animaux (poules, chevaux, vaches, cochons, moutons...) qu'il a rêvé d'un Soulèvement, quand les animaux renverseront l'espèce humaine pour ne plus en être les esclaves. Il argue que l'Homme ne produit rien, qu'il se sert du lait des vaches, des œufs des poules, de la force de travail des chevaux, et malgré tout, il est le seigneur des animaux. De quel droit ? Comment l'être humain ose-t-il exploiter les bêtes et ne leur redistribuer que le minimum, les remerciant d'un passage à l'abattoir à la fin de leur vie de labeur ? Le discours de Maréchal est d'une puissance et d'une sincérité indiscutables (un exemple parfait pour illustrer l'éloquence). Il frappe l'esprit des autres animaux qui sentent souffler le vent de la révolte, aussi léger soit-il pour le moment.
A la mort de Maréchal, deux autres cochons (réputés plus intelligents que les autres espèces) reprennent ses idées. Et profitent d'un matin où Mr. Jones, le fermier, aviné, oublie de leur donner à manger. C'est le début du Soulèvement. Les animaux chassent leur propriétaire et renomment la ferme La ferme des animaux. Des règles sont édictées et écrites sur les murs (les cochons ont appris à lire). Des règles de paix, de solidarité, d'égalité. Désormais, les animaux sont seuls maîtres d'eux-mêmes et vont vivre dans le respect de chacun.
Peu à peu, cette micro-société s'organise et prend ses marques. Une hiérarchie s'instaure, avec à sa tête Napoléon le cochon, qui juge de ce qui est bon pour ses "camarades". Et c'est là que les inégalités commencent à apparaître. Les belles idées de Maréchal commencent à être déformées, les mensonges deviennent des vérités, toujours pour le bien de la communauté. Jusqu'à ce que le septième Commandement (très connu) devienne Tous les animaux sont égaux. Mais certains animaux sont plus égaux que d'autres.
A travers cette histoire, c'est évidemment le comportement humain qui est mis en cause. Et en particulier le régime totalitaire/dictatorial, qui sous prétexte d'agir pour le bien de tous, ne sert en réalité que les intérêts d'une minorité, creusant les inégalités, maintenant dans l'ignorance, attisant les haines et persuadant de la véracité des mensonges les plus flagrants. Toutes ces méthodes sont décrites avec acuité. On voit bien comme Napoléon insuffle lentement mais sournoisement dans les esprits l'idée qu'il est le maître et qu'il a toujours raison.
N'ayant jamais lu ce roman auparavant autrement que par extraits, je ne peux comparer la nouvelle traduction de Philippe Jaworski avec d'autres. Mais je peux souligner à quel point le texte est accessible et limpide, et comme il est essentiel de le faire lire autour de nous. Un livre d'une telle force frappe davantage que bien des discours.