Les Chroniques de l'Imaginaire

L'école buissonnière - Ordas, Patrice & Mounier, Alain

Il ne fait pas bon passer le bac à Paris, en 1943, même lorsqu'on n'est pas juif... Plusieurs gamins vont l'apprendre à leurs dépends, et cela démarre par Jacques, qui ramasse le manuel scolaire d'anglais d'un élève de son lycée, devant des soldats allemands... Le gamin doit donner son nom, sous le regard de deux de ses amis, Jean Lorrain, dont le père est un ancien poilu, et François, dont le père travaille pour le régime de Vichy...

Jean relate l'incident auprès de ses parents, justement, mais son père est aveugle, et ne se rend pas compte qu'il faut très peu de chose pour que des adolescents soient enlevés et maintenus en otage. Et les choses vont s'accélérer, lorsque Jean va pousser un soldat allemand dans un fleuve, alors que ce dernier était un peu trop entreprenant avec Colette, une jeune fille talentueuse qui fait Hypokhâgne, et qui est la cousine de François.

A présent, le groupe de quatre copains va devoir fuir la capitale, avec chacun ses raisons : François et Colette doivent partir suite à l'incident avec le soldat allemand, et ils comptent se rendre en Corrèze, au château du père de François, censé être vide, avec son père qui est parti travailler à Vichy.
De son côté, Jacques apprend que lui et sa mère ont des origines juives, qui les mettent en grand danger dans la capitale. Jean, de son côté, vient d'avoir une grosse dispute avec un père trop entêté, et décide de profiter d'une connaissance cheminot pour rejoindre la Corrèze, avec Jacques. Le début du voyage va être l'occasion d'une belle frayeur pour les deux voyageurs clandestins, qui parviendront à leur destination. Pour autant, ils apprennent par un fermier local que le château du père de François est sous surveillance allemande.

Abasourdis, les deux garçons savent qu'ils ne pourront pas retrouver François et Colette à l'endroit prévu. Mais les retrouvailles se feront tout de même bien vite, dans un autre château, abandonné en plein maquis, et qui a l'avantage de n'être sur aucune carte... Bien malgré eux, voilà que les quatre amis sont dans la Résistance, avec des noms différents. De quoi avoir du mal à pouvoir passer le bac...

Après L'Ambulance 13, une série en neuf tomes parue chez Grand Angle entre 2010 et 2018, il est intéressant de se retrouver avec ce one-shot, L'école buissonnière, entre les mains. C'est Patrice Ordas qui est au scénario, pour sans doute un de ses derniers livres, l'auteur ayant malheureusement décédé en décembre 2019. En outre, ce sont toujours les planches d'Alain Mounier que l'on pourra admirer, tout au long de cette histoire.

Car ce récit prend sa source dans les histoires que le grand-père de Patrice Ordas racontait à ce dernier, de façon sans doute un peu décousue. L'auteur a décidé d'en faire un vrai récit, avec donc des événements qui se sont réellement déroulés, durant cette Seconde Guerre Mondiale. Et cela se ressent parfaitement : d'emblée, on se retrouve attachés aux quatre adolescents qui sont aussi les personnages principaux de ce one-shot, avec des événements complètement crédibles, des petits détails qui font toute la réalité de l'occupation allemande à Paris, en 1943.

Au niveau des dessins, on tient des planches très travaillées, très détaillées, bien que sans doute trop classiques et trop réalistes. C'est franchement réussi, même si on a un effet figé, lié sans doute à trop de détails. Par ailleurs, il est conseillé de vraiment se poser pour profiter de cette histoire : les personnages sont assez nombreux, parfois franchement ressemblants (c'est le cas par exemple entre Colette et la mère de Jacques, que l'on voit heureusement très peu), et il vaut mieux rester concentré au démarrage du livre, pour vraiment en profiter ensuite sans aucun problème.

L'école buissonnière est un one-shot fort, un témoignage historique franchement réussi, qui n'est pas sans rappeler Un sac de billes notamment. Le contexte historique y est réel et bien retranscrit. Des petites histoires au sein de la grande Histoire, qu'il serait tout à fait intéressant de mettre entre toutes les mains !