Les Chroniques de l'Imaginaire

A cœur ouvert - Keramidas, Nicolas

Nous sommes fin 1972 : le jeune Nicolas est né il y a peu, et voilà que, déjà, on lui détecte un souffle au cœur. Un symptôme qui nécessite des examens approfondis, qui vont déboucher vers la véritable origine : Nicolas souffre d'une tétralogie de Fallot, une malformation qui rend ses extrémités bleues, mais pour le moment, Nicolas n'en a cure. Ce qu'il gardera comme souvenir, ce sont les cicatrices qui resteront, et une histoire d'opération pour retirer une bille qu'il avait avalée.

Nicolas grandit, vivant normalement, et faisant même de ses cicatrices un avantage, vis-à-vis de ses camarades de classe d'abord, puis des filles ensuite. Et puis, il devient un auteur de bande dessinée renommé, avec des séries comme Luuna, Alice au pays des singes, ou encore Tykko des sables. Il faut préciser qu'avec ces cicatrices, ce n'était pas forcément le premier choisi, au moment de la constitution des équipes de foot. Il y a eu aussi le fait de ne pas pouvoir faire le service militaire, lors des fameux trois jours... Alors, la discipline où Nicolas s'est vite fait remarquer, c'est le dessin...

Bref, la vie se déroule, bien, jusqu'à cet entraînement au foot en salle, le dimanche matin. Un entraînement tranquille, bon esprit, entre famille et bons amis. Un entraînement où le cœur de Nicolas s'emballe, étrangement. Et pas moyen de le faire ralentir, ou se calmer, et ce même en étant dans les cages... Il faut se rendre à l'évidence : Nicolas doit consulter. Et la machine hospitalière va s'emballer...

Et ses médecins savaient que cela allait bien finir par arriver, même si tous les contrôles depuis ont toujours été très positifs. A présent, il va falloir enchaîner, entre l'IRM et le cathétérisme cardiaque, ce dernier faisant particulièrement froid dans le dos... Nicolas le sait à présent : il va devoir se faire opérer en novembre. Juste après le festival de Saint-Malo 2016. Un rendez-vous incontournable pour un professionnel du neuvième art, que Nicolas a voulu honorer. Un souvenir qui restera assez fort et difficile, à ne pas pouvoir en profiter comme à l'accoutumée...

Les doutes, les craintes, les cauchemars lorsque l'on sait qu'on va subir une opération carrément lourde : voilà ce que nous raconte Nicolas Keramidas dans ce livre, poignant et magnifique, qui paraît aux éditions Dupuis, et ce sur la base des notes prises pas sa compagne durant cette période. L'occasion aussi de passer un moment avec les proches, les parents, les amis, leurs doutes également, notamment le jour J, avant le coup de fil fatidique qui annoncera que cela s'est bien passé... Le livre parle aussi de ses temps d'attentes, interminables, à compter les changements de lits, de chambres, pour s'approcher enfin de la sortie.

Et puis, il y a ces impacts, sur la vie en général, de quoi relativiser, sans aucun doute, et aussi de quoi se dire qu'il est bien différent de vivre ce genre d'intervention en étant bébé, et en étant ensuite dans la quarantaine. Avec beaucoup de pudeur, mais aussi beaucoup de réalisme, Nicolas Keramidas nous raconte ce qu'il a vécu, de l'intérieur. L'auteur parvient aussi à inclure dans ses propos des références au neuvième art, avec cette pointe d'humour qui le caractérise, rendant le livre plus abordable, plus léger, sans pour autant aucunement diminuer la force du message à faire passer.

Graphiquement, là bien entendu n'est pas l'essentiel dans ce livre, mais on reconnaît bien la patte de l'auteur. C'est précis, documenté, et aussi empreint de la froideur des salles d'opérations : on est bien loin des couleurs vives des séries citées plus haut dans cette chronique.

Nicolas Keramidas a pris le temps de nous raconter cette histoire en se livrant totalement. C'est plein de pudeur et d'intelligence, plein d'humanité et d'espoir, aussi, pour de nombreux patients. Un superbe livre qui constituera une magnifique parenthèse dans la carrière, encore longue, de cet auteur. Vivement le prochain Saint-Malo !