Les Chroniques de l'Imaginaire

Fahrenheit 451 - Bradbury, Ray

Œuvre majeure de la littérature américaine, mondiale même, Fahrenheit 451 est un classique de la science-fiction. Son titre est à la fois opaque et évocateur : 451° Fahrenheit, c'est la température à laquelle un livre brûle. Le personnage principal est Montag, un pompier. Mais pas un pompier tel que nous les connaissons. Lui, son métier, c’est de provoquer des incendies.

A la caserne, Montag et les autres pompiers attendent un appel. Une dénonciation souvent ; il y a des livres dans une maison, ce qui est interdit. Il faut les brûler. Montag ne se pose pas de question, il applique. Quand il rentre chez lui, sa femme est devant les écrans, qu’elle appelle la Famille. Des programmes abrutissants paramétrés pour s’adresser directement aux personnes qui les regardent. Plus personne ne réfléchit.

Mais un soir, il tombe sur une jeune femme en sortant du métro. Elle est spontanée, dans le moment présent. Lui montre la beauté de la lune, du plaisir d’écouter le vent. Toutes ces petites choses qui font qu’on se sent vivant. Il attend impatiemment de la revoir à chaque fois, sans aucune tension sexuelle, seulement pour l’entendre parler, capter son énergie et son optimisme. Il commence à s’éveiller et à comprendre que cette société cloche. Qu’il n’est pas normal d’abrutir les gens, de leur interdire de lire.

La révélation atteindra son paroxysme en voyant le regard déterminé et le sourire d’une femme prête à mourir dans les flammes avec ses livres. Que peut donc se trouver dans tous ces ouvrages qu’elle ait préféré accueillir la mort plutôt que de vivre sans eux ?

Au-delà de l’effrayante société dans laquelle vit Montag, soumise, aseptisée, impersonnelle, le roman est intéressant pour la réflexion menée par Ray Bradbury. Qu’est-ce qu’un livre ? C’est une porte ouverte sur le monde. Et c’est bien cela dont les autorités ont peur. Lire, c’est connaître. C’est penser, réfléchir, comprendre, raisonner, critiquer. Lire c’est se construire. C’est avoir les cartes en main pour ne pas se soumettre.

Les livres ne sont pas le seul danger à écarter. Il faut empêcher les gens de réfléchir, les plonger dans une vie d’oisiveté et de loisirs, comme Mildred, la femme de Montag qui ne vit que pour sa Famille et ne peut pas tenir une conversation sérieuse avec son mari. Les intellectuels sont écartés, nombre d’entre eux ont créé des communautés isolées à la lisière des villes. Montag, en essayant de se libérer du carcan dans lequel on l’a enfermé, va devenir la nouvelle cible des autorités.

Fahrenheit 451 est un excellent roman, qui ouvre plusieurs pistes de réflexion : le rôle des livres, la capacité de modeler un peuple, les limites de sa propre réflexion quand un système fait tout pour l’annihiler. La société du bonheur vantée par le régime en place trouve facilement ses limites avec Montag en premier lieu, qui se rend compte qu’il n’est pas heureux. Et avec tous ces gens qui s’accrochent à leurs livres, parce que c’est justement tout ce qu’ils trouvent dans les livres qui les rend heureux. Montag sent que quelque chose lui échappe, l’autodétermination, choisir lui-même où son bonheur se trouve.

Ce roman de science-fiction a marqué les esprits et il est aisé de comprendre pourquoi. C’est une œuvre maîtrisée, avec une réflexion poussée et pertinente, effrayante car pas si absurde que cela après tout.