Les Chroniques de l'Imaginaire

Jack Glass - Roberts, Adam

Dans tout le système solaire, on connaît le nom de Jack Glass. Ce criminel de légende aurait tué des milliers, non, des millions de personnes. Son arme de prédilection ? Un couteau en verre, auquel il doit son nom. Du moins, c'est ce qu'on raconte. Mais n'est-il vraiment que l'agent du chaos que se plaisent à dépeindre les autorités ? Et quel est le lien entre ses crimes et la rumeur selon laquelle un certain McAuley aurait découvert le secret aussi fabuleux que dangereux du voyage à des vitesses supraluminiques ?

Jack Glass est divisé en trois parties qui peuvent presque se lire comme des nouvelles indépendantes, même si les deux dernières sont étroitement liées. La première, Dans la boîte, présente le personnage principal en fâcheuse posture. Capturé par la police, il a été envoyé à l'intérieur d'un astéroïde en compagnie d'autres criminels. Leur peine consiste à aménager ce bout de roche perdu dans l'espace pour en faire une résidence de luxe pour riches désœuvrés, une tâche qui est censée les occuper durant les onze prochaines années. Seul dans le vide intersidéral en compagnie de dangereux inconnus, Jack Glass va devoir déployer des trésors d'astuce pour exploiter au mieux ses maigres ressources et survivre, en attendant d'élaborer un plan d'évasion aussi improbable que sanglant. C'est un texte bref et percutant qui joue bien son rôle d'introduction.

La deuxième partie, Les meurtres supraluminiques, est la plus longue et c'est visiblement celle qu'Adam Roberts s'est le plus amusé à écrire. Son héroïne, Diana Argent, est férue d'enquêtes policières à l'ancienne. Alors, quand un de ses domestiques est assassiné sans raison apparente lors d'un séjour sur Terre, c'est l'occasion pour elle de jouer les détectives du dimanche. Et quand on est le rejeton d'une des plus puissantes familles du système solaire, la collaboration de tout le monde, des témoins aux forces de police, est d'ores et déjà acquise… Cette partie du livre est un pastiche au vitriol des romans policiers à la Agatha Christie et consorts, avec son enquêtrice improbable et mêle-tout, son petit milieu fermé dans lequel tout le monde est suspect, sa police incompétente… sauf qu'ici, la société est inégalitaire à l'extrême, les domestiques de Diana sont drogués pour lui être fidèles jusqu'à la mort, le rôle de la police se limite à acquiescer à tout ce qu'elle dit, et le plus drôle, c'est évidemment qu'elle n'y trouve rien à redire. La satire est aussi féroce que jouissive, surtout lorsque ce joli statu quo commence à basculer et que Diana découvre que ses privilèges ne sont pas aussi immuables qu'elle le croyait.

La troisième partie, L'arme impossible, démarre immédiatement après la deuxième, avec les mêmes personnages, et j'ai trouvé que c'était la moins bonne des trois. L'énigme qu'elle propose est un peu décevante dans la mesure où elle repose sur une astuce qui permet de contourner les lois de la logique. Par contraste, l'énigme des meurtres supraluminiques, qui reposait sur l'incompréhension de l'héroïne d'un fait évident pour nous autres Terriennes et Terriens, est bien plus satisfaisante. Cette troisième partie m'a aussi semblé la plus superflue. Elle apporte une conclusion aux fils narratifs dévidés dans la deuxième, mais l'abandon du versant pastiche au profit d'un vague message utopiste fait perdre tout son sel au récit. C'est un peu dommage.

Néanmoins, Jack Glass constitue un joli exercice de style, une fusion réussie entre space opéra et roman de détective. C'est un roman très plaisant à lire qui devrait plaire aux aficionados d'un genre comme de l'autre (sans parler des aficionados des deux, qui devraient être comblés !).