C'est après l'élection que tout commence : Phil Chase le sait, il a 60 jours pour convaincre, le temps qui s'écoule entre l'élection et l'investiture. Cette donnée colore tout le tome, en ce que l'action se déroule principalement dans le champ politique.
La prolifération des agences plus ou moins nombreuses de services plus ou moins secrets, et leurs guerres intestines, est illustrée par la relation entre Frank et Edgardo, et bien sûr celle entre Frank et Caroline. Cette dernière permet de montrer combien l'avancée technologique dans le domaine de la surveillance met en péril la liberté et la sécurité de chacun, ce qui rend un son éminemment actuel. L'auteur ne manque pas d'indiquer des pistes permettant d'y échapper, tout en montrant leurs inconvénients et l'impossibilité de les appliquer au grand nombre.
Les possibilités d'action de la présidence américaine, à l'intérieur comme à l'international, fait également partie des sujets abordés : à l'intérieur, par la mise en place d'un conseil scientifique doté de moyens financiers suffisants, et soutenu de façon réelle par le président, à l'extérieur par la participation aux actions entreprises contre le dérèglement climatique.
Robinson prend également soin d'indiquer les actions pouvant être entreprises au niveau personnel dans ce domaine, et leurs limites. Ainsi, les Quibler font le maximum vers l'autonomie énergétique, mais c'est clairement insuffisant. La difficulté reste de convaincre le milieu de la finance, et cela ne peut être fait qu'au niveau politique.
Considérer cette trilogie comme un tout montre combien son auteur a travaillé sur le sujet, et les différentes manières de s'attaquer au problème global : un pays qui fait cavalier seul (la Russie avec le lichen), une coopération internationale tant dans les actions entreprises (la création de grandes mers intérieures dans des zones sèches de plusieurs pays, dans un échange de technologie et de bons procédés) que dans le domaine intellectuel, scientifique, l'action individuelle, illustrée par les Quibler, mais aussi, d'une certaine manière, par les freegans.
Cela n'enlève rien à son intérêt intrinsèque : les personnages évoluent de façon crédible, et l'intérêt du lecteur ou de la lectrice ne faiblit pas, porté par leurs interactions et les quelques intermèdes palpitants, amoureux ou armés. J'ai trouvé parfois longuettes les citations d'Emerson, et le happy end à l'américaine ne m'a pas forcément convaincue, mais je ne vais pas pour autant bouder mon plaisir.
Cette trilogie ramassée dans le temps est une lecture globalement passionnante et à la fois instructive. Il me semble d'ailleurs que, même si le lectorat friand d'action sera terriblement frustré, elle est plus intéressante maintenant, au moment où nous sommes à la recherche d'histoires illustrant le changement climatique et les mesures à entreprendre contre lui, qu'au moment de sa parution originelle.