Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Sculpteur de vœux - Côté, Philippe-Aubert

Max, Shinji et Oota ont été amis, dix ans plus tôt. Ce n'est pas qu'ils ne le soient plus, mais il leur est interdit de se voir depuis qu'ensemble ils ont libéré Nimrug, le djinn sculpteur de vœux emprisonné sous Yamagoya, provoquant par la même occasion la mort de Ryuku Oni, le père de Shinji et dirigeant de la cité. L'une des conséquences de cette libération, c'est que Yamagoya est privée des moyens de s'acquitter du tribut exigé par Odena, puisqu'elle est à présent dépourvue de son Sculpteur de vœux. Aussi Nichiren, le nouveau dirigeant de la cité, libère-t'il sous condition Shinjiro, emprisonné depuis dix ans à la place de Nimrug, en l'envoyant en mission à Montréal.

Maxime Gariépy, l'adolescent humain déboussolé après la mort de sa mère tuée par son père, reprend le goût du dessin à Montréal, grâce aux cours donnés par Monsieur Ryuku, et à l'amitié de Shinjiro, le fils de celui-ci. Il ignore longtemps que ceux-ci sont des Onis, des créatures de l'Ethermonde, dont il n'apprend l'existence que plus tard. Cette découverte le fascinera, d'autant qu'elle lui permettra de rencontrer la jolie Oota Dabun, la wendigoe gravement malade mais non moins fascinante pour autant à ses yeux. Malheureusement, l'élargissement de son univers lui fait abandonner Roxane, sa jeune sœur, qui ne se remet ni de l'explosion de leur famille, ni de leur déménagement subséquent à Montréal.

Lire ce nouveau roman de l'auteur québécois m'a permis d'apprendre beaucoup de choses, tant sur les créatures surnaturelles japonaises que sur le vocabulaire québécois, sur lequel il m'est arrivé d'achopper. En effet, je ne connais absolument rien à la culture japonaise, je ne suis pas du tout lectrice de mangas, et les animes sont arrivés longtemps après la fin de mon enfance. Je ne saurais donc dire quelle opinion en aurait un connaisseur de ces domaines en particulier. Pour les dinosaures ou incultes dans mon genre, ça ne m'a pas paru gênant : on trouve sans difficulté sur Internet des images des yurei ou autres yôkais. On apprend de la même façon ce que sont des "bobettes", par exemple.

L'idée de mondes "empilés" n'est pas neuve, mais elle est bien traitée ici. J'ai particulièrement aimé la réunion au Québec d'êtres surnaturels appartenant à trois cultures différentes, même si les "européens" sont quasiment absents. L'histoire se concentre sur les personnages autochtones (loutres, wendigos) et les réfugiés venus du Japon après les bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki.

J'avais un peu peiné à assimiler toutes les informations de la première partie, aussi ai-je grandement apprécié la suivante, qui alterne entre le passé, donnant des explications sur les origines des personnages, et le présent, où on continue de les voir agir, dans le droit fil de la première partie. Quant au troisième tiers, bourré d'actions et captivant, je ne m'y suis pas ennuyée une minute.

Il y a des petites choses qui m'ont gênée, notamment une répétition textuelle de deux phrases entières, à propos de la comparaison Samahël/Mengele (l'une au chapitre Shinjiro, et l'autre au chapitre 21), un jour qui se trouve être à la fois le 11 et le 12 octobre... Des détails. Ce qui m'a, en revanche, agacée, c'est la platitude des personnages féminins : en ce qui les concerne, c'est tout bon (Oota, Jasmine, Nadie...) ou tout mauvais (Roxane, Kaede). Les personnages masculins ont certes une tendance au manichéisme, mais sont au moins plus complexes, notamment le Baron Samedi, ou Enzo, voire Max, qui finit quand même par évoluer lui aussi.

Il n'empêche que le monde créé par Philippe-Aubert Côté est intéressant, notamment dans la façon dont il imagine les rapports entre Ethermonde et Soma. Pour ma part, s'il y a une suite, comme la fin ouverte le permettrait, je n'hésiterais pas à la lire.