Dès dix ans, les filles du Gouffre sont contraintes de servir comme des esclaves, au profit des riches Familles Fondatrices de Prospère. Leur labeur est accablant, et lorsqu'elles prennent leur retraite et rejoignent les leurs à quarante ans, elles ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Contrairement à sa sœur jumelle, Sofia va avoir un sort plus enviable : en tant que Muette, elle vient de passer sept ans à être formée à devenir la Confidente d'une riche famille de Prospère, dont elle ne pourra jamais trahir les secrets puisqu'elle ne peut parler. Sauf qu'en fait elle n'est pas muette du tout et compte bien utiliser cela à son avantage dans le futur.
Le moment de l'affectation est venu pour Sofia, et elle découvre avec surprise qu'elle va être la Confidente de la tsaritsa elle-même, celle qui dirige le monde d'une main de fer. Mais la tsaritsa n'a pas réellement envie de se confier, elle souhaite juste un exutoire pour sa colère, or frapper quelqu'un qui ne peut se plaindre lui plait beaucoup. Sofia est déterminée à s'enfuir avant de succomber, surtout depuis qu'elle a constaté de ses yeux que si le Gouffre survit difficilement avec les miettes dispensées par la tsaritsa, au contraire à Prospère les riches habitants vivent dans un luxe inimaginable.
Et puis, il y a les Extras, aussi. Ce peuple extra-terrestre qu'on lui a appris à craindre et dont elle ne sait rien, si ce n'est que leur vaisseau est amarré au dessus de Prospère depuis deux siècles. En fait, ces voyageurs sont dans une situation aussi difficile que ceux du Gouffre : leurs vivres s'épuisent et la tsaritsa n'est pas décidée à les laisser quitter leur vaisseau pour s'installer sur la terre ferme, alors même qu'ils proposent de l'aide inestimable pour assainir le sol et l'eau empoisonnés de la Terre. Et leur prince est éminemment séduisant...
Ce récit évoque l'inégalité, l'oppression, la nécessité de se rebeller quel qu'en soit le coût, ne serait-ce que pour les générations futures. Mais aussi les bienfaits de l'acceptation et de l'ouverture aux autres malgré leurs différences. Et bien sûr, on n'oublie pas la romance en fil rouge, même si elle est noyée parmi les autres thématiques. De rebondissements en rebondissements, on est donc facilement pris dans cette histoire qui est dans l'ensemble plutôt prenante. Le suspense est maintenu jusqu'au bout.
L'intrigue n'est pas exempte de grosses facilités. Qu'apprennent donc les futures Confidentes pendant sept années ? Et comme il est pratique que les extra-terrestres soient si semblables aux humains qu'on puisse les confondre avec juste un peu de maquillage ! D'autres détails encore doivent être pris tels quels sans trop de réflexion, sous peine de ne pas adhérer.
C'est surtout le personnage de Sofia que nous approfondirons, puisque c'est elle qui relate la plus grande partie du récit. On ne voit que ce qu'elle voit, on ne sait que ce qu'elle sait. C'est une fille courageuse, déterminée et forcément sympathique. Face à elle, l'ignoble tsaritsa et son armée de redoutables Carnassiers font des méchants typiques, tandis qu'à ses côtés nombreux sont ceux qui vont œuvrer avec elle. Et Simaé est le mâle parfait, gentil, respectueux, loyal. C'est donc plutôt manichéen, mais pas vraiment dérangeant. Les relations entre les personnages sont pour leur part très belles et très touchantes, c'est ce que je retiendrai le plus de cette lecture.
La plume est globalement fluide, mais il y a des passages un peu longs et surtout un certain nombre d'erreurs ayant échappé à la relecture (par exemple des mots en double ou manquants).
C'est un joli roman, parfois malhabile et qui ne révolutionne pas le genre, mais qui fait passer un bon moment.