Les Chroniques de l'Imaginaire

La chronique des Bridgerton (La chronique des Bridgerton - 1, 2) - Quinn, Julia

Daphné et le Duc

Daphné est l’aînée des filles Bridgerton et la quatrième de la fratrie de huit. Bien que ses frères aînés, Anthony, Benedict et Colin, soient célibataires eux aussi, c’est sur elle que la pression de trouver un bon parti est la plus forte. Après tout, elle en est à sa deuxième saison et ne rajeunit pas. Daphné n’aspire pourtant à rien d’autre que de se marier et que d’avoir des enfants. Elle espère bien vivre un bonheur conjugal au moins égal à celui de ses parents. Malheureusement, son physique peu mémorable et sa grande empathie la cantonnent au rang d’amie auprès des hommes qu’elle convoite et elle ne reçoit des propositions de mariage que de la part d’hommes âgés ou particulièrement sots.

Simon est le fils unique du défunt duc de Hastings et rentre d’un voyage autour du monde pour prendre possession de son titre. Il est loin de s’attendre à la marée de jeunes filles à marier et, pire encore, de mères et de sœurs de jeunes filles à marier qui s’abat sur lui. Son statut ducal le contraint à assister à des bals ou dîners mondains mais il ne peut faire un pas sans être harcelé alors même qu’il est bien décidé à ne jamais se marier. Meilleur ami d’Anthony Bridgerton, il tombe nez à nez avec sa sœur Daphné lors d’un bal et décide de conclure un pacte avec elle : il fait semblant de s’intéresser à elle, ce qui lui offre le répit nécessaire pour gérer la succession sans être incommodé par des centaines de femmes, et il lui permet de « rompre » le moment venu, ce qui ne manquera pas de susciter l’intérêt des hommes pour elle. Daphné accepte, au grand dam d’Anthony, mais réalise vite qu’elle n’est pas indifférente à l’attrait de Simon.

Quelle bonne idée a eu Julia Quinn de prénommer les enfants Bridgerton à partir des premières lettres de l’alphabet ! D’Anthony à Hyacinthe, les lettres sont une bonne indication de leur rang dans la fratrie, Anthony étant l’aîné, et on se souvient donc à la fois aisément de tous ces prénoms et même de leur âge. Cela peut paraître anecdotique mais je ne compte plus les romances où les noms de certains personnages très secondaires ne me restaient jamais en tête. Or, puisque c’est là le premier tome d’une série consacrée à la famille Bridgerton, il paraît plutôt important d’en repérer aussitôt les différents membres.

La vedette du premier tome contenu dans cet ouvrage est cependant Daphné. Parmi les Bridgerton, la mère Violet, l’aîné Anthony et le frère le plus proche en âge de Daphné, Colin, sont les plus présents dans le récit. Les autres apparaissent surtout en tant que figurants, ce qui permet de se familiariser avec eux sans pour autant se noyer devant ce nombre important de personnages. Daphné est une héroïne un peu trop naïve par moments, que la vie au sein d’une famille nombreuse a heureusement prédisposée aux réparties cinglantes. Simon est quant à lui un héros de romance on ne peut plus classique : grand, beau comme un dieu, avec une réputation de libertin mais au cœur tendre. Il est surtout doté d’un passé ténébreux qui va se mettre en travers de son bonheur et de celui de Daphné. Cependant, cette formule déjà vue ailleurs est très bien exécutée. Le rythme du récit est maîtrisé, enchaînant les rebondissements. Les deux protagonistes sont dans l’ensemble appréciables et on a plaisir à les voir évoluer.

Chaque chapitre commence par le billet sarcastique et drôle d’une chroniqueuse de la vie mondaine, qui apporte une grande fraîcheur au récit.

Le seul vrai bémol est l’existence d’une scène dans laquelle Daphné force Simon à faire quelque chose (un acte sexuel) dont il n’a pas envie. Et si les protagonistes n’en font pas grand cas dans la suite du récit, je me suis pour ma part sentie mal à l’aise. Daphnée et le Duc est une romance qu’adoreront les amateurs de personnages attachants et de grandes familles.

Anthony

Anthony, le fils aîné de la fratrie Bridgerton, est bien décidé à se marier rapidement. Son père n’avait que trente-huit ans quand il est décédé, son oncle trente-quatre, et Anthony est persuadé qu'il mourra lui aussi dans sa trentaine. Il s’est donc résolu à épouser une femme belle et intelligente mais dont il est sûr de ne pas tomber amoureux, d’avoir des enfants avec elle et, ce qui justifie son attente avant de se marier, de mourir avant que les enfants ne soient trop âgés pour leur rendre cet épisode bien pénible. Bien sûr, il sait que ce raisonnement n’a rien de très logique et ne s’en est donc confié à aucun membre de sa famille.

Au cours de la saison mondaine, il jette son dévolu sur la belle et pétillante Edwina Sheffield, issue d’une famille noble désargentée. La jeune femme remplit toutes ses conditions. Malheureusement, elle a clamé haut et fort qu’elle ne se marierait pas sans l’accord de sa sœur aîné, Kate Sheffield. Or, Kate est persuadée qu’Anthony n’est qu’un libertin et qu’il ne pourrait jamais rendre sa sœur heureuse. Entre Anthony et Kate, la lutte s’engage donc. 

Après un premier tome consacré à Daphné, ce second volume de la série se tourne vers le frère aîné de la famille Bridgerton, Anthony. La famille Bridgerton y est un peu moins bien présentée que dans le premier tome mais ce n'est pas très grave puisque les lecteurs de l'intégrale auront normalement encore en tête les différents personnages. Le roman ménage quelques moments de complicité fraternelle mais on perd tout de même un peu de cette atmosphère spéciale qui caractérisait le premier tome, où chaque Bridgerton révélait davantage sa personnalité propre. La raison en est peut-être qu’à la différence de la « pièce rapportée » du premier tome, Simon, Kate n’est pas fille unique. L’accent est donc mis sur sa famille à elle, sur ses relations avec sa mère et sa sœur, plutôt que sur les Bridgerton en eux-mêmes. Ces relations sont d’ailleurs très bien décrites, pleines de tendresse, et compensent en partie la déception de ne voir pas plus de Bridgerton dans le roman. J’ai d'ailleurs davantage apprécié le personnage d’Edwina, sensible et enjoué, que celui de Kate, assez taciturne et un peu trop revêche à mon goût.

Le récit est bourré d’humour, entre les répliques mordantes que s’envoient les protagonistes et les scènes frisant le ridicule, dont l’une implique une course-poursuite dans Hyde Park à la recherche d’un corgi. La célèbre chroniqueuse de la vie mondaine reprend en outre du service pour distiller ses commentaires truculents sur le déroulé de l’histoire. 

En résumé, ces deux premiers tomes de la Chronique des Bridgerton sont des romans qui plairont aux amateurs des romances faisant la part belle aux grandes familles et à l’humour.