Les Chroniques de l'Imaginaire

Sweeney Todd - Rymer, James Malcolm

Sweeney Todd est le barbier de Fleet Street. C’est un homme grand, au physique ingrat et au rire désagréable quand il éclate. A vrai dire, il n’y a que lui qui connaît les raisons de son hilarité. Il a pour apprenti le jeune Tobias, qu’il frappe régulièrement, l’accusant de paresse et d’une trop grande curiosité. Tobias ne peut quitter le service de Sweeney Todd, car celui-ci menace de dénoncer la mère de Tobias pour un vol qu’elle aurait commis dans une maison où elle était employée comme bonne à tout faire.

Un peu plus loin dans le quartier, Mrs Lovett vend de délicieuses tourtes à la viande, odorantes, onctueuses, débordantes de jus et faisant saliver tous les clients qui accourent pour lui acheter ses tourtes dont la renommée dépasse le quartier. Tobias y achète souvent ses repas, les tourtes étant très bon marché et l’échoppe située dans les limites des rues autorisées pour les déplacements du jeune apprenti.

Johanna Oakley, elle, attend le retour de Mark Ingestrie, le jeune homme qui a promis de l’épouser une fois qu’il serait de retour de son voyage aux Indes où il voulait faire fortune. Hélas, la date de leur rendez-vous arrive, mais le jeune homme ne se présente pas, plongeant la jeune fille dans le désespoir.

Elle ne sait pas que le Lieutenant Thornhill, un ami de Mark, était chargé de lui transmettre un funeste message de la part de celui-ci, mais qu’il a mystérieusement disparu après avoir voulu se faire raser dans l’échoppe de Sweeney Todd.

Mais la disparition mystérieuse de ce jeune homme, marin de profession, va déclencher une enquête qui va mener tout ce petit monde à rechercher ce qui lui est arrivé, et comment cela lui est arrivé.

Sweeney Todd est un des exemples du roman gothique cher au XIXe siècle. Paru tout d’abord en feuilleton, le roman garde la trace de cette parution originelle, avec des chapitres calibrés d’une dizaine de pages chacun et des en-têtes de chapitres donnant une bonne indication de ce qu’il va se passer à ce moment du récit. Pour certains, cela peut être rebutant de découvrir par avance ce qui pourrait se passer dans les prochaines pages, personnellement j’ai bien aimé. Mais j’avoue que j’aime bien le roman gothique, avec ses codes, ses rebondissements, ses fausses joies et ses fausses peines, le tout teinté d’une horreur sous-jacente, jamais décrite mais toujours fortement suggérée.

Les personnages sont manichéens, comme il se doit car les lecteurs doivent comprendre tout de suite de quel côté de la morale ils se trouvent. Ils sont donc soit gentils, soit méchants, et, comme cela se faisait beaucoup à cette époque, leur physique reflète leur âme. Sweeney est donc laid à faire peur, et son rire n’arrange rien, tandis que Johanna est l’archétype de la pure jeune fille « d’une beauté et d’une grâce rare ».

Dès le début du récit on comprend que Sweeney Todd est le grand méchant, et on se surprend à souhaiter que ses plans diaboliques ne puissent pas se réaliser, ou du moins à souhaiter qu’ils échouent. Ce qui finit par arriver, évidemment, dans le dernier chapitre où toute l’histoire se résout en quelques pages, sans doute au plus grand bonheur des lecteurs de l’époque, tout en provoquant des interrogations que je ne peux pas vous dévoiler ici sans exposer une bonne partie de l’intrigue qui nous est dévoilée au fur et à mesure qu’avance l’histoire.

Car l’auteur distille savamment des indications, des indices, laisse planer des doutes au fil des pages afin de garder ses lecteurs en haleine. C’est un exercice de style réussi. Et cela donne un très bon exemple d’un roman de l’époque, qui connut son petit succès, jusqu’à arriver jusqu’à nous sous différentes formes : pièces de théâtre, comédie musicale, film musical et enfin ce roman traduit et édité par une seule maison d'édition en français, mais à l’origine de tout.

Un très bon moment de lecture, que je conseille aux amateurs du genre, et aux curieux qui veulent découvrir l’histoire entière et originelle qui se cache derrière l’interprétation qu’en a faite Burton au cinéma.