Les jumeaux Shoyu et Miso sont amenés un soir d’hiver par leur mère chez leur oncle où elle les abandonne avant de partir sans se retourner. L’oncle accueille très mal ces deux bouches supplémentaires à nourrir, et il ne prend même pas la peine de les mettre à l’école, se contentant de les maltraiter, les affamer parfois et de les faire travailler dans son élevage de chenilles.
Un jour, de l’argent change de main et les jumeaux sont vendus à un freak show (que l’on pourrait traduire par cirque de monstres). C’est au sein de cette troupe de spectacle très particulière qu’ils vont enfin avoir un foyer chaleureux, au côté d’Elise, de Shin, de grande sœur Kim et de tous ceux qui gravitent dans ce microcosme.
Très vite, les jumeaux sont rebaptisés. Shoyu devient Katan, et Miso devient Tomino. Ils prennent part au spectacle, en utilisant le don de télépathie qui les lie depuis leur naissance… Mais assez vite, ils vont se rendre compte que tout n’est pas rose dans le monde du spectacle et que certains sont prêts à tout pour se faire encore plus d’argent en exploitant ceux qui sont considérés comme des monstres. C’est ainsi que Tomino est séparée de Katan, par la cupidité de Wang, et que seul leur lien télépathique subsiste entre eux.
Quand on referme ce premier tome de Tomino la maudite, c’est avec l’envie réelle et pressante de connaître la suite de l’histoire. Suehiro Maruo nous plonge avec délice dans le quartier d’Asakusa situé au nord de Tokyo ainsi que dans le monde du freak show des années 30 au Japon.
Loin d’être une prison, la baraque foraine dans laquelle les jumeaux se produisent permet aux freaks de gagner leur vie honnêtement, et l’atmosphère se révèle plutôt joyeuse tant que la petite troupe gagne de l’argent. C’est une véritable famille où l’entraide est omniprésente.
Ce qui frappe dans un premier temps c’est l’acceptation que chacun a de la difformité apparente ou pas de ses compagnons. Pour eux, il n’y a pas de différence entre un vrai freak comme Elise, qui possède quatre bras et quatre jambes, et Shin, qui est une enfant entièrement recouverte de poils. Tous sont acceptés. Et personne ne se moque de ceux qui voudraient changer de vie, même s’il n’y a pas vraiment d’encouragement à le faire : qui voudrait embaucher un homme de la taille d’un enfant de cinq ans ? Qui le prendrait au sérieux ? Telles sont les questions posées dans une époque où, même si les zones urbaines s’occidentalisent, la différence hors du petit monde du freak show est toujours pointée du doigt.
Tomino la maudite est un vrai manga initiatique et d’apprentissage. Loin des mangas à base de grandes aventures et de super héros, nous avons là le parcours d’une vie déjà peu ordinaire pour deux enfants. Abandonnés, puis vendus, les jumeaux connaissent un répit bienvenu avant d’être séparés pour la première fois de leur vie. Même si, racontées ainsi, les péripéties semblent un peu exagérées, le talent de l’auteur fait que l’histoire se déroule avec une fluidité parfaite, soutenue par un trait riche et des décors ou des scènes avec énormément de détails.
Ce manga est à conseiller à tous ceux qui aiment les histoires différentes, des histoires dérangeantes, qui plongent dans un réel mâtiné d’une pointe de fantastique, et parfois le sordide. Ce n’est pas un manga pour les enfants, et sans doute pas pour tous les adultes non plus mais je l’ai beaucoup aimé.
Son prix est un peu élevé à mon goût, mais le livre en lui-même est d’une qualité supérieure aux mangas traditionnels. Il possède une épaisse couverture cartonnée en soft touch, et un format de 16 x 21 cm, ce qui en fait un bel objet à ranger dans une bibliothèque après l’avoir lu.