Les Chroniques de l'Imaginaire

Massif central (GandahaR - 26)

On pourrait presque s'étonner que GandahaR, éditeur basé à Clermont-Ferrand, ait attendu aussi longtemps pour consacrer un numéro de sa revue homonyme au Massif central. Dans son éditorial, Jean-Pierre Fontana souligne à quel point cette région est pétrie de fantastique et de mystérieux, des nombreuses légendes de trésors oubliés à la terrible Bête du Gévaudan en passant par les monstres bien humains qui ont terrorisé les foules de siècle en siècle.

Une bonne partie des pages de ce numéro s'attachent ainsi au folklore de l'Auvergne et des alentours, avec des textes directement recueillis auprès des habitants du cru par les chercheurs des dix-neuvième et vingtième siècles. On trouvera ainsi deux courtes histoires de loups-garous en introduction (Histoire du gentilhomme d'Apchon et de sa femme de Roland Villeneuve et Le loup-garou de Laquérie d'Antonin Meyniel), deux contes amusants recueillis par Henri Pourrat au milieu (Conte du coq bleu et Conte de la grenouillette) et une dernière légende sur le pape auvergnat de l'an mil, Sylvestre II, à la fin (La légende du pape Gerbert d'Aurillac de Gaston Durif). Ce dernier texte est accompagné d'une courte nouvelle de Jean-Luc Marcastel (Conte de Noël) dont il divulgâche un peu la chute ; dommage.

J'ai envie de classer aussi dans la catégorie « antiquités » le roman La révolte des volcans de Camille Audigier, paru pour la première fois en 1935 et reproduit dans cette revue dont il occupe près de la moitié des pages. Ce récit de Terre creuse apocalyptique fait beaucoup penser au Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. On y suit un explorateur français qui découvre, grâce à un tunnel caché sous les volcans du Massif central, les peuples qui vivent sous la surface de notre globe, avant de se retrouver impliqué dans la guerre effroyable qui les déchire. C'est un roman clairement ancré dans l'époque de sa parution : les descriptions d'un conflit à base de gaz toxiques et d'invasions souterraines ne peuvent qu'évoquer des images de la Première Guerre mondiale. Malheureusement, Camille Audigier se montre également un homme de son temps dans le racisme totalement décomplexé dont il fait preuve dans plusieurs passages de son récit. L'introduction de l'éditrice a beau avertir le lecteur de ces relents colonialistes un peu puants, ça n'en rend pas leur lecture plus agréable pour autant, surtout que la qualité littéraire de ce roman ne justifie pas vraiment qu'on se les inflige.

Heureusement, le reste de la revue propose des nouvelles modernes de belle qualité et sans rien d'aussi problématique. Le pied jadois de Jean-Pierre Fontana et Chat sur canapé de Christine Brignon (également rédactrice en chef et dessinatrice de la couverture) sont deux textes de facture classique, mais rondement menés dans une veine de fantastique teinté d'horreur. Les nouvelles de Christine Renard et Martine Hermant proposent une atmosphère plus intense et oppressante avec De l'autre côté et La cage respectivement, dont les narratrices sont confrontées à une épouvante très viscérale. Le thème de l'enfermement se retrouve également dans Les prisons d'Emmanuel Jouanne, mais de manière plus allégorique et évocatrice, très mélancolique.