Les Chroniques de l'Imaginaire

Ararun du temple (Nains - 18) - Jarry, Nicolas & Deplano, Paolo

Dans la belle cité d'Ysparh, au bord de l'océan, les élections approchent à grands pas... avec les heures supp' pour la garde locale. A chaque scrutin, l'espérance de vie des riches et puissants baisse spectaculairement.

Ainsi, le seigneur Odryon, un elfe bleu, favori dans les sondages, repose dans son lit à tout jamais. Son corps sans vie a été découvert par le personnel de maison au matin. A première vue, Odryon dormait paisiblement dans une pièce verrouillée, au sommet d'une tour. Mais les alarmes runiques ont sonné en retard.

Deux membres de la garde inspectent la scène de crime, le capitaine Ararun, un nain du temple, et la capitaine Antalya, une bleue. Ils forment un duo moins étonnant que leurs premières découvertes.

Est-ce que les bandes dessinées des Terres d'Arran font un clin d'œil aux Annales du Disque-Monde en abordant un thème particulier à chaque nouvel épisode avec les clichés bien sentis ?

Ararun du temple est un polar de facture relativement classique qui coche pas mal d'éléments des habituels récits policiers ou noirs : l'assassinat d'un personnage important ; un duo d'enquêteurs foncièrement différents mais liés par un lourd passé commun qui se dévoile petit à petit ; des zones d'ombres dans la famille de la personne disparue, que les survivants ne veulent pas voir éclaircies ; une hiérarchie qui demande de fermer les yeux ; une ville tentaculaire ; de l'alcool ; des piques d'humour et des cassages de gueules !

Si vous aimez le genre comme moi, ce dix-huitième tome va être très sympa à suivre. L'intrigue est prenante, l'atmosphère est bien construite et les personnages sont attachants - leur développement est travaillé et efficace. Il y a de la gouaille dans les dialogues et un environnement solide pour tenir tout le monde en place. Le duo Ararun - Antalya renvoie à d'autres fameuses équipes multiraciales comme Gotrek et Felix dans l'univers de Warhammer (avec moins de morceaux de gobelins), au Guet d'Ankh-Morpork (plutôt Carotte et Angua que Côlon et Chicard), Riggs et Murtaugh sur L.A. ou, encore, à des vieux souvenirs de partie de jeu de rôle (celui sur les Terres d'Arran sort bientôt). 

Par contre, si le genre du polar n'est pas votre verre de whisky (du Arran ?), vous aurez peut-être du mal à entrer dans cet épisode très éloigné des autres opus du temple (pas de religion, pas de démon, pas d'ingénierie). L'univers des Terres d'Arran est présent mais l'histoire pourrait se dérouler dans n'importe quel monde plus réaliste. De même, si vous n'appréciez pas les gimmicks du style, vous ne percevrez qu'un scénario à l'issue sans surprise.

Mais, malgré tout, Jarry réussi à caser une histoire bien complexe avec plusieurs couches temporelles en un seul épisode complet, sans altérer sa lisibilité et sans coupe forcée remarquable. C'est un tour de force. Par ailleurs, les auteurs des Nains ne peuvent pas juste fournir une énième aventure de fantasy à chaque parution. Du changement est nécessaire pour ne pas tourner en rond.

Avec Ararun du temple, il a fait remonter d'excellents souvenirs de mon passé de rôliste. Il m'a fait me sentir au centre d'une séance de JdR. Il m'a placé aux côtés d'Ararun et d'Antalya. Franchement, je m'y suis très bien amusé.

Pour le dessin, comme nous sommes dans la série du temple chez les Nains, c'est l'Italien Deplano qui est aux commandes. Je me répète de chronique en chronique, son travail est une jolie réussite et colle merveilleusement bien à l'ambiance de polar urbain médiéval attendue pour cette BD. Le cadre, les émotions, les mouvements… L'ensemble est dynamique, vraisemblable et fourmille de détails. J'ai particulièrement aimé le style de la maison d'Ararun à flanc de falaise.

Une partie du design graphique d'Ararun m'a toutefois posé un problème. Sa pipe. Bonjour, Commissaire Maigret. Harry Callahan, Alonzo Harris, qui ça ?

Bref, vous voulez un polar à l'ambiance poisseuse sans être déprimant ? Vous voulez découvrir une grande cité des Terres d'Arran ? Payez-vous ce Ararun du temple. C'est de la sacré came !