Les Chroniques de l'Imaginaire

Diavolus in machina - Lamur, Sylvain

Lili Swamp est une jeune femme à qui il arrive des tas d’aventures, souvent dues à ses rencontres avec des hommes. Elle est possédée par un démon luxurieux qui la pousse à coucher avec, peu ou prou, tous les hommes qui passent à sa portée. Que cela serve ses propres desseins, comme obtenir des renseignements, ou juste par envie, très passagère. Personne ne lui résiste, hommes, femmes, seuls, à plusieurs.

La quatrième de couverture de l’histoire semblait alléchante. Une héroïne qui semble vivre à 100 à l’heure, vive, intelligente, d’une beauté inégalée, etc. et à qui il semble arriver des tas de choses intéressantes. Très vite, le soufflé retombe. L’univers steampunk n’est absolument pas exploité, à part dans la première nouvelle. Parce que oui, ce qui est annoncé comme le « second roman de l’auteur » est en fait un recueil de nouvelles ; j’ai appris que le terme « fix-up » signifiait « recueil de nouvelles » donc.

Je cite la maison d’édition : « Diavolus in Machina est le deuxième roman de Sylvain Lamur publié aux Éditions du 38. Pensé comme un hommage aux littératures du XIXe siècle (Mary Shelley, Edgar Poe, Alexandre Dumas, Arthur Rimbaud, Goethe…), il nous propose un fix-up trépidant autour du personnage de Lili Swamp, dans un univers fantastique steampunk. ».

Donc le côté steampunk n’est là que pour justifier le fait que Lili envoie dans une autre dimension une ville entière grâce à un gadget qu’elle possède dans la première histoire (nouvelle qui, semble-t-il, avait déjà été éditée ailleurs auparavant). Ensuite il n’y a que quelques évocations du genre, qui diminuent au fur et à mesure que les nouvelles se déroulent. C'est beaucoup plus des récits fantastiques que du steampunk.

Les histoires ont un petit potentiel. C’est indéniable. Mais l’héroïne se révèle insupportable. Dans le jargon littéraire, c’est une "Marie Sue" : très/trop belle, très intelligente, très vive, réactive, sait faire plein de choses, bref quasi parfaite. Elle ne sait pas chanter ? Qu’importe, elle essaie, et aussitôt elle réussit, et a elle un petit succès dans les tavernes où elle se produit. Lili est donc un cliché ambulant. Une petite poupée créée pour que l’auteur s’amuse avec elle en la plaçant dans des situations improbables dont elle se sort toujours sans séquelle (contrairement à ses amis/amants).

En guise de Némésis, l’auteur lui a juste collé un incube en son sein, qui est censé être une sorte de frein, un empêcheur de tourner en rond, mais cela ne fonctionne pas. Elle a besoin de renseignements ? Ah ben ça tombe bien, le démon a envie de sexe, donc elle aussi, elle peut donc coucher avec l’homme qui peut lui en donner. Et tant pis si elle se jette dans la gueule du loup, elle va arriver à éliminer quatre hommes dans une scène, puis quelques pages plus loin, face à quatre autres hommes elle estime que c’est impossible qu’elle puisse les battre. Où est la cohérence ?

Ce recueil laisse un goût d’inachevé, d’inabouti, et surtout il y a un manque flagrant de relecture et de correction. Des mots manquent à quelques endroits, à beaucoup d’autres il y a des soucis de vocabulaire (l’auteur confond pimprenelle et péronnelle par exemple, ou pendant et cependant). Les scènes de combats sont souvent brouillonnes, en particulier la scène d’invocation de l’incube et tout ce qui est décrit ensuite pour tenter de l’éliminer.

Une chose importante que j’ai trouvé dommage, c’est que plus on avance dans les histoires, plus l’évocation du sexe commence à ressembler à un catalogue de pratiques allant crescendo des amours saphiques, aux amours multiples jusqu’au sado masochisme et à l’évocation de la nécrophilie. Vous noterez que je n’ai rien contre la plupart de ces pratiques, mais en l’état, on sent que l’auteur prend plaisir à humilier cette jeune femme en la plaçant en situation de faiblesse subie, tout en se cachant sous le prétexte « nan mais ce n’est pas sa faute, c’est à cause de l’incube ».

Parce qu’une fois débarrassée de cet intrus, il ne se passe pas longtemps avant que Lili se remette à coucher joyeusement avec d’autres hommes. Comme si rien n’avait changé, que l’épreuve semble-t-il horrible qui lui est arrivée n’a servi à rien et que la jeune femme n’était dirigée que par sa propre luxure. Ce qui est possible, et pas du tout condamnable, mais la présenter depuis le début sous le joug d’un désir irrépressible provoqué par un autre avant de terminer sur une sorte de « en fait ce n’est pas lui c’est elle », c’est revenir au début de toute l’histoire, avec un paradigme qui, finalement, n’a pas changé. Même le passage avec le diable/Méphistophélès tombe à plat, et arrive comme un deus ex machina mal utilisé (sans compter à nouveau le côté Marie Sue car même le diable est tombé amoureux d’elle).

Pour terminer on a l’impression d’avoir lu cette histoire pour rien et cela laisse un goût d’inachevé. Et c’est dommage.