Les Chroniques de l'Imaginaire

Les villes invisibles - Calvino, Italo

Les villes invisibles est, comme son titre l’indique, une collection de villes imaginaires et poétiques, réparties en grandes séries comme autant de grandes caractéristiques du monde urbain. Des « villes et la mémoire » aux « villes élancées », en passant par « les villes et le désir » ou « les villes et les morts », on plonge à la découverte de dizaines de villes, semblables sans l’être, toutes portant des noms de femmes comme si elles étaient des personnages à part entière. Les personnages « humains » se rencontrent à chaque début et fin de partie. Le Grand Khan et Marco Polo y tiennent des conversations philosophiques, parfois pragmatiques, parfois ubuesques, au sujet de ces villes fantasmées et de la gouvernance d’un empire. 

On se promène dans ce livre comme dans un rêve, en s’interrogeant sur mille détails ou au contraire, en se sentant en territoire familier dans les environnements les plus insolites. Il se picore avec plaisir et on ne peut s’empêcher de se sentir plus particulièrement marqué par certaines villes ou séries de villes. Pour moi, ce furent « Les villes et le désir » et surtout la ville de Despina qui, selon qu’on l’approche du désert ou depuis la mer, prend la forme d’un navire ou d’un chameau, comme si sa forme s’altérait selon les désirs des voyageurs. De multiples thématiques sont abordées, y compris au sein d'une même série. La mort des « villes et les morts » pourra ainsi être perçue positivement, négativement ou encore, de manière neutre, comme un simple écho de la vie selon la ville « visitée » par le lecteur. Certaines villes se font des critiques de la société moderne et par exemple de la société de consommation, là où d’autres semblent avant tout rester des appels au rêve. 

La nouvelle édition des Villes invisibles inclut une présentation de l’ouvrage insérée dans la réédition italienne de 1993 et reprenant le contenu d’interviews données par Italo Calvino en 1972 et 1973. C’est en un grand plus de cette édition car l'auteur y dévoile son processus créatif et raconte comment il a organisé ces textes, au départ écrits à la volée sans souci de cohérence.

Pour résumer, Les villes invisibles est un ouvrage à la fois distrayant, inspirant et (mais est-il besoin de le préciser) très bien écrit. Cette nouvelle traduction est une bonne occasion pour le découvrir !