Alex a eu un accident d’escalade. Il est tombé de près de vingt mètres de hauteur et, blessé assez sérieusement aux côtes et au crâne, il se retrouve en état végétatif irréversible à l’hôpital depuis déjà dix-huit mois.
État végétatif, c’est ce que tout le monde croit : sa petite amie, sa famille, ses amis, ses médecins, ses soignants. Personne n’imagine qu’il n’en est rien et qu’Alex, à défaut de pouvoir voir quelque chose, entend tout ce qu’il se passe autour de lui dans sa chambre d’hôpital. Il est atteint de ce qu’on appelle un lock-in syndrom, son esprit littéralement enfermé dans son corps, sans qu’il puisse communiquer d’aucune façon que ce soit. Une véritable torture.
Et pourtant Alex essaie de communiquer, de bouger. Il essaie de toute ses forces, surtout quand il comprend, grâce aux conversations autour de son lit, que ce que tous pensaient être un accident d’escalade n’en est pas un, mais une tentative de meurtre. Mais qui ? Et pourquoi ?
J’ai lu ce livre d’une traite, grâce à une grosse insomnie qui m’a tenu éveillée une bonne partie de la nuit. Écrit à la première personne, avec un seul point de vue, tronqué qui plus est à cause des nombreuses défaillances physiques du jeune homme (endormissements soudain, douleurs, inconforts, etc.), ce roman n’en demeure pas moins un excellent polar à huis clos. Double huis clos pourrait-on dire, l’univers d’Alex étant confiné aux limites de son seul corps pour les sensations physiques qu’il éprouve encore, et aux limites de sa chambre pour les sensations sonores et olfactives.
Très vite, on se plonge dans la routine de soin d’Alex, dans les visites de ses proches, de sa famille, du personnel soignant dans son ensemble et d’un mystérieux médecin qui le manipule parfois, mais sans jamais lui parler. On comprend aussi que tout est fragmentaire, et que le jeune homme peine souvent à rassembler ses souvenirs. Quand il comprend que quelque chose cloche, il entreprend de se rappeler le jour fatal, dont il n’a quasiment aucun souvenir, mais aussi tout ce qui a pu se passer avant. Avec beaucoup de difficulté car sa mémoire immédiate a été altérée par l’accident et l’hématome qui comprimait son cerveau.
J’avais un peu peur qu’avec un seul point de vue l’histoire ne tourne rapidement en rond. C’est difficile de sortir de la ronde des pensées qui tournent en boucle dans ce genre d’histoire, et, même s’il y a certains passages qui semblent redondants, aucun n’est identique à un autre. Les soins des infirmières, répétitifs et codifiés, sont toujours, pour Alex, un moment de bien être dans sa journée (sauf quand c’est la méchante Corinne qui officie), tout comme la visite de l’homme de ménage. Les visites de sa famille et de sa petite amie nous font comprendre qu’ils cherchent à prendre la meilleure décision pour la fin de vie d’Alex, les médecins leur ayant dit qu’il ne reviendrait jamais à la surface.
Tout comme Alex, on se perd un peu dans la temporalité de l’histoire. Comme nous n’avons que son point de vue, il semble manquer des morceaux, parfois le temps semble s’accélérer, ou au contraire ralentir, et du point de vue scénaristique c’est une vraie réussite.
Emily Koch nous offre donc un roman policier qui sort de l’ordinaire, une plongée dans un monde très particulier d’où elle arrive à faire émerger une enquête toute en subtilité. L’autrice a elle-même été victime d’un accident corporel qui l’a envoyée plusieurs semaines à l’hôpital, et c’est grâce à cet accident qu’elle peut nous décrire cette impression d’absolue vulnérabilité que peut éprouver Alex, à la merci de tous ceux qui l’entourent.