Les Chroniques de l'Imaginaire

Ceci n'est pas mon corps - Guépy, Enguerrand

Yves Dindonneau se rêve rentier. Il rêve d’îles lointaines où écouler des jours heureux avec sa femme Cécile. Il veut partir, quitter sa petite vie étriquée mais Yves Dindonneau n’est qu’un agent d’assurance. Un bon agent, certes, mais juste un agent d’assurance.

C’est grâce à sa femme qui lui présente un livre qu’elle juge intéressant que son destin va basculer. « Assurance sur la mort » de James M. Cain raconte en effet l’histoire d’une arnaque à l’assurance suite au meurtre d’un homme par sa femme et l’amant de celle-ci. Yves Dindonneau est conquis. Il peut faire mieux que le couple dans le livre. Il le sait. Après d’intenses réflexions, il décide donc de souscrire plusieurs polices d’assurance au nom de sa femme, avec des bonus en cas de disparition accidentelle.

Quant au choix de la victime - car il n’a aucunement l’intention de mourir, ce brave Dindonneau ! –, il se révèle cornélien. Voler un corps dans une morgue ? Déterrer un cadavre ? Avec l’aide d’un complice, Dindonneau décide d’enlever, puis de faire disparaitre dans un accident de la route celui qui prendra sa place dans la voiture. Et l’accident survient. Comme prévu. Et Yves disparait. Comme prévu.

Intégralement basée sur l’histoire de Yves Dandonneau qui avait souscrit pour plus de dix millions de francs d’assurance vie afin d’escroquer plusieurs compagnies d’assurance, ce roman nous montre le cheminement de la pensée et des actes de l’homme qui se pensait plus intelligent que les compagnies qu’il a tenté d’arnaquer.

Il y a un côté très intéressant de voir comment un homme banal peut passer d’une vie rangée à un assassinat. Les monologues intérieurs et les pensées de Yves se révèlent de plus en plus nauséabonds au fil de l’histoire. On sent tout le mépris qu’il a envers Jo, le SDF qui mourra à sa place, et on voit très bien que son ego augmente au fur et à mesure qu’avance l’histoire. Il méprise de plus en plus de monde, y compris sa femme, qui l’a pourtant suivi dans son entreprise diabolique.

C’est une histoire romancée donc, et certains éléments de l’affaire originale ont été occultés, des lieux changés, et les motivations sans doute exacerbées. J’ai regretté qu’il n’y ait pas plus de côté « enquête » sur la fin. Car les explications finales sur comment la police en est venue à l’arrêter m’ont semblé un peu bâclées. À peine comprend-on que l’un des enquêteurs a un soupçon juste après l’accident, qu’on passe à autre chose. Même si toute l’histoire tourne autour de Yves, j’ai trouvé un peu dommage ce manque de point de vue extérieur.

Pour finir, j’ai trouvé l’histoire assez intéressante, ce qui m’a poussée à aller fouiller un peu le net pour en savoir plus. La véritable affaire semble encore plus sordide que celle livrée par l’auteur.