Roubaix, 1996, un appel radio d'une voiture de la BAC met en alerte tous les flics de la métropole lilloise. Toutes les voitures disponibles convergent vers l'endroit où leurs collègues se font attaquer à l'arme de guerre. Les rafales, leurs appels désespérés, les cris des assaillants résonnent dans les voitures puis plus rien, le silence. Les premiers policiers arrivés sont face à une vraie scène de bataille, ils sont déboussolés, car on ne se prépare pas à la guerre.
Au même moment, Reif Arno est réveillé par un appel de son rédacteur en chef qui lui dit de se rendre le plus vite possible sur les lieux de l'attaque. Reif est encore sous les effets de l'alcool et de la coke, à ses côtés une très jeune fille à moitié nue somnole. C'est Vanessa Benlazar, la fille de Tedj Benlazar, l'agent de la DGSE qui se trouvait en Algérie il y a peu et qui avait dénoncé la collusion entre les groupes islamistes armés et le pouvoir algérien. Pour "récompense" de ses services rendus, ses chefs l'ont envoyé en Bosnie se faire oublier.
Arrivé sur place, Reif prend quelques photos mais n'obtient aucune info sur l'éventuel lien entre ces gangsters et ceux qui ont braqué une supérette récemment. Il décide alors d'aller voir l'une de ses sources, un braqueur qui travaille comme videur, pour voir s'il a entendu des choses. Ben Arfa le met sur la piste d'hommes revenus de Bosnie et qui ont participé à la guerre en ex-Yougoslavie au sein de la brigade El Moudjahidin. Des islamistes venus de tous pays, dont quelques ch'tis, pour "défendre" leurs frères musulmans et qui se sont plus fait remarquer pour leurs exactions et ont fini par être rejetés par la population locale.
Par ailleurs, Laurine Fell, compagne de Tedj et commandant de la DST, reçoit les mêmes informations par son compagnon qui l'avertit des risques d'attaques terroristes de ces anciens combattants de Bosnie. Là-bas, il a enquêté sur ces hommes et est persuadé qu'ils bénéficient de l'aide d'un groupe qui prend de plus en plus d'importance dans la mouvance islamiste et qui est mené par un homme mystérieux : Oussama Ben Laden. Benlazar a essayé d'avertir ses supérieurs du danger que représentent ces islamistes français de retour en France, mais comme pour les événements d'Algérie, ses propos n'ont reçu aucun écho.
Tedj décide alors d'utiliser Reif pour alerter les Français en l'aidant à écrire plusieurs articles sur ces hommes armés que l'on appelle le gang de Roubaix et qui vont avoir un parcours sanglant du nord de la France jusqu'en Belgique. Benlazar va en payer le prix, car il va être poursuivi par les services secrets pour trahison. Il va donc disparaître sans laisser aucune trace.
Dans ce roman qui couvre la période de 1996 à 2001, on assiste à la montée d'Al-Qaïda et aux événements qui vont mener aux attentats du 11 septembre 2001. L'auteur ne fait malheureusement que relater ce qu'il s'est réellement passé : l'aveuglement des services secrets français qui n'ont pas voulu croire à l'importation sur notre territoire du djihad par des terroristes islamistes nés en France, et le manque de coopération et de confiance entre les services secrets des pays occidentaux.
Frédéric Paulin, en mêlant son intrigue à des faits historiques avérés, nous entraîne dans cette machine infernale qui avance inéluctablement vers le drame du 11 septembre. Comme pour La guerre est une ruse, on est happés par ces événements tragiques ayant lieu dans plusieurs pays et qui ont tous un lien. On désespère comme les personnages de ce livre lorsque l'on voit l'entêtement des services secrets à ne pas prendre en compte les avertissements, mais peut-on croire à l'impensable ? On voit que l'auteur a fait des recherches et maîtrise parfaitement son sujet. Il a toujours l'art et la manière de ne pas nous abrutir d'informations et de rendre compréhensibles des événements s'imbriquant les uns avec les autres.
Il m'a fait revivre ces attaques, les questionnements que j'ai eus à l'époque et l'angoisse qui tout doucement a envahi la France puis le monde.
C'est un vrai polar haletant mais aussi un roman d'espionnage, où l'on peut voir la noirceur d'âme d'hommes prêts à planifier la mort de milliers de personnes dans le but d'imposer leurs idées et la terreur partout dans le monde. C'est tellement édifiant, encore maintenant, que si tout cela ne s'était pas réellement passé on aurait dit de l'auteur d'une telle histoire qu'il est en plein délire. Il s'agit d'une vraie plongée dans la mouvance islamiste terroriste où le paroxysme est atteint lors des dix dernières pages du livre ; on en ressort abasourdi comme à l'époque... Ce qui est aussi intéressant dans l'intrigue, c'est son fil conducteur, un personnage prénommé Zacarias dont on va suivre le parcours à travers le monde vers sa destinée et dont on imagine qu'il n'est pas le seul à avoir suivi ce chemin.
Je regrette juste une chose dans ce roman, c'est la moindre présence de Tedj Benlazar dans ce deuxième volet. J'ai tellement apprécié ce personnage que je suis un peu déçu de moins le suivre même si c'est le déroulé de l'histoire qui l'impose. Mais un Benlazar peut en cacher un autre.
C'est un polar qui mêle parfaitement la fiction à la triste réalité, décrivant précisément les événements et le mécanisme de la machine terroriste, dont on n'oublie pas de sitôt la lecture.
J'attends avec impatience le troisième volet : La fabrique de la terreur.