Sernin le Bâtisseur est à l'origine d'Albeyrac : la ville s'est agglomérée autour du cloître qu'il avait bâti et conçu comme un piège pour les humains insatisfaits, des émotions et souvenirs desquels il se nourrit. Car Sernin est un démon. Or, en ce beau jour de 1231, le portail du cloître s'ouvre pour Hermine, la prostituée repentie employée aux cuisines du château vicomtal. La relation entre elle et Sernin va les changer tous les deux, d'autant qu'elle ne sera pas la seule femme à croiser le chemin du démon.
Un groupe d'Albigeois a cherché refuge dans la cité d'Albeyrac. Tous savent que même si le vicomte Roger est un bon catholique, ce dont témoigne la toute nouvelle cathédrale Saint-Joseph que l'on vient de consacrer, il fait preuve d'une grande tolérance religieuse. Parmi ces réfugiés, il y a la belle et pure Agnès, dont Sernin se demande bien comment elle a pu trouver le chemin de son cloître ! Curieux d'elle, il se rapproche de ces autres Parfaits et Parfaites dont jusque-là il se méfiait comme de la peste.
L'idée d'une lutte entre le Bien et le Mal, entre anges et démons - lesquels, comme on le sait, ne sont pas si différents que cela en nature -, s'accorde bien avec le lieu et l'époque considérés. En effet, comme dans toute croisade, des choses horribles furent commises en ces temps, bien sûr au nom d'un Bien supérieur. Par ailleurs, le manichéisme* intégral des doctrines des "Albigeois", qui considéraient le monde matériel comme produit par le Diable, illustre bien une telle idée.
Heureusement pour l'intérêt de la lecture, aucun personnage n'est univoque, et tous évoluent pour devenir à la fin du roman bien différents de ce qu'ils étaient au début. C'est à mon avis le point le plus réussi du roman, avec la description de la cité imaginaire où se déroule l'histoire, mais dont les quartiers et leurs habitants sont crédibles. Mon seul regret est que l'on voit très majoritairement ce qui se passe par les yeux de Sernin, ce qui est intéressant, mais manque un peu de variété. Le roman est court, et l'action, globalement concentrée dans le dernier tiers, sert surtout à mettre en lumière les relations entre les personnages, et l'évolution desdites.
J'ai regretté que la relecture ait laissé passer des répétitions de mots, ou des doublons (par exemple, p. 118 sur ma liseuse : "des congénères à lui lui rallumait en lui", et plus loin "à part hormis"). Néanmoins, pour qui apprécie les romans historiques situés en Occitanie et/ou au Moyen-Âge, ou l'intervention d'êtres surnaturels dans le monde humain, ce premier roman peut être une lecture agréable.
* Pour rappel, le manichéisme a pour origine les théories de Mani, qui croyait à une séparation absolue du royaume des Ténèbres et de celui de la Lumière, jusqu'à l'homme, créé avec une étincelle de Lumière dans un corps de Ténèbres (source : Wikipedia)