Les Chroniques de l'Imaginaire

Les noces de la renarde - Soulas, Floriane

Au XVe siècle, au Japon, les kami et autres yokaïs vivent encore au sein des forêts qu'ils aiment et qu'ils animent. Ainsi, Hikari est la chasseresse de son clan de kitsunes. Sa particularité est d'être curieuse des humains, qu'elle s'attarde souvent à observer, ce que Ino, sa cheffe de clan, ne supporte pas vraiment bien, d'autant qu'elle est jalouse de la puissance croissante de l'énergie d'Hikari.

En 2016, à Tokyo, Mina considère comme une malédiction de voir tous les êtres surnaturels qui l'entourent, et de percevoir les souvenirs des humains qu'elle touche. Aussi s'astreint-elle, depuis des années, à ne pas regarder autour d'elle, et à porter des gants en permanence. Cela n'en fait pas une lycéenne très recherchée de ses camarades. Elle voudrait toutefois faire quelque chose pour Emiko, l'une de ses condisciples vampirisée par un fantôme. Et au cours d'une sortie de classe à Kyoto, quelque chose lui arrive qui attire l'attention de Natsume, la déléguée de classe issue d'une famille de chasseurs de démons.

D'abord totalement séparés, les deux arcs narratifs se rejoignent très progressivement. C'est vraiment habilement fait, d'autant que l'autrice en profite pour montrer, sans avoir l'air d'y toucher, l'évolution de la société japonaise. Au fur et à mesure que Mina change de regard sur son don, et apprend à l'utiliser, le lecteur ou la lectrice, qui voit par ses yeux, découvre que les yokaïs coexistent toujours avec les humains, mais que le rapport de nombre a changé, ce qui est entre autres matérialisé par le fait que ce sont bien les créatures surnaturelles qui sont visées, de nos jours, par un serial killer ! Le mélange de tradition et de modernité dans la société japonaise est dépaysant et intéressant. L'autrice montre que l'évolution de la place de l'humanité et du surnaturel l'un par rapport à l'autre peut être difficile à vivre des deux côtés, comme le montrent le personnage de Ino et du père de Natsume.

J'ai eu un peu de mal à m'intéresser aux personnages, peut-être parce que j'étais agacée de devoir passer d'un arc narratif à l'autre sans, au début, voir clairement quel était leur lien, dont l'ampleur, d'ailleurs, n'est révélée qu'à la toute fin. Par ailleurs, j'ai un peu regretté la disparition progressive de Saiko, quasi totalement éclipsée du moment où sa fille se rapproche du monde qui était celui auquel son père appartenait partiellement. Je n'ai pas non plus trouvé totalement crédible que ces deux adolescentes scolarisées cessent apparemment, du jour au lendemain, d'aller en cours ou d'avoir des devoirs à faire, pour se consacrer totalement à une enquête dangereuse. En revanche, j'ai été fascinée par la diversité des yokaïs, et je trouve particulièrement réussi le contraste entre Ryu et Haku, cependant que l'autrice a réussi à bien individualiser les sœurs d'Hikari.

La magnifique couverture d'Aurélien Police, en plus d'attirer l'œil immanquablement, illustre parfaitement l'atmosphère onirique qui prévaut dans les chapitres qui se déroulent au XVe siècle.

Je n'ai toutefois que de légères réserves, et même si j'ai nettement préféré Rouille, sans doute aussi parce que l'ambiance steampunk me convient davantage que le fantastique ou l'urban fantasy, ce roman confirme indubitablement le talent de cette jeune autrice francophone, dont je ne manquerai pas de suivre la carrière avec le plus grand intérêt.