Chris Faulkner a trente-trois ans. Il vient de décrocher un poste très intéressant à la Gestion des Conflits chez Shorn Associates, une société de renommée mondiale. Pour arriver à ce poste, il a affronté et vaincu en duel routier plusieurs adversaires réputés coriaces dans le milieu. En effet, c’est de cette façon que se règlent les appels d’offre pour les marchés les plus juteux : par un duel impitoyable sur la route. C’est aussi de cette façon qu’en cette année 2049 on peut obtenir une promotion dans certaines grosses sociétés. Et c’est ainsi que des anonymes peuvent se faire un nom, les duels étant retransmis en direct, commentés, et attirant un tas d’aficionados qui demandent du sang et de la violence.
Mais cette violence routière n’est qu’un pan du travail de Chris. Il doit en outre s’assurer que les transactions de Shorn avec le gouvernement en place des pays en guerre ouverte, ou à la limite de l’insurrection, se fassent dans de bonnes conditions. Le but étant de gagner toujours plus d’argent, de manière légale, tous les coups fourrés sont permis, y compris celui de parier sur la réussite des deux adversaires qui s’affrontent à l’autre bout du monde.
Market Forces est un livre sans aucune pitié. Richard Morgan nous offre une vision exacerbée d’un futur toujours plus dominé par le capital, qui rejette impitoyablement les plus pauvres dans des zones, telles des ghettos. Le but de Shorn est de faire de l’argent. La société se fiche royalement de savoir si ce qu’elle fait est éthique ou pas, tant que ça rapporte de l’argent aux actionnaires et aux associés.
À l’opposé de Chris, il y a Carla, sa femme, « simple » mécanicienne, sans qui la SAAB du jeune cadre ne serait pas aussi performante. Carla est le contrepoint qui nous montre, au fur et mesure que l’histoire avance, que Chris change. Elle pointe du doigt le fait qu’il devient de plus en plus impitoyable et de moins en moins empathique, et que leur couple s’en ressent. Mais le jeune homme refuse de le voir.
L’histoire commence sur les chapeaux de roue, et j’avoue que découvrir cette vision d’un monde futur plutôt sombre et ultra cynique a été un peu déstabilisant pour moi. Car au-delà de rodéo routier, c’est toute une société qui fonctionne via ces duels, jouant le sort de pays lointains ainsi que la richesse de sociétés égoïstes sur l’asphalte. C’est très violent aussi du point de vue politique, car on assiste aux manipulations que Chris et Mike, un autre employé, sont capables de déployer pour décrocher un contrat, mais aussi aux manipulations de leurs supérieurs.
Il y a une légère « baisse de régime » dans le rythme du récit entre le milieu et les trois quarts du livre, ce qui a provoqué un arrêt de lecture de quelques jours chez moi, mais une fois la page 350 passée, difficile de relâcher son attention. On veut savoir ce qu’il se passe et comment tout ça va être résolu. Un très bon roman donc qui, bien qu’écrit en 2004, montre une évolution possible de notre société. Mais pas la meilleure qui soit.